Un député corse demande au Premier ministre de donner l'autonomie à la Corse
Aujourd'hui l'idée d'une Corse autonome est très largement répandue... Les Corses partagent massivement et démocratiquement le désir d'une évolution institutionnelle
Par La rédaction pour ABP le 1/11/17 1:05
Dans le cadre des sessions de questions au Gouvernement qui ont lieu toutes les semaines à l'Assemblée nationale, le député corse Paul-André Colombani demande au Premier ministre une "autonomie de plein exercice et de plein droit". "Aujourd'hui l'idée d'une Corse autonome est très largement répandue... Les Corses partagent massivement et démocratiquement le désir d'une évolution institutionnelle", a déclaré le député. Réponse du ministre de l'intérieur.
Il se trouve que j'assistais par hasard à la retransmission de cette séance de questions au gouvernement, curieux de voir un peu l'allure de la nouvelle chambre en fonction, quand, à ma grande surprise, un parlementaire corse classé "Rég" (pour Régionaliste, mais qui se qualifiait lui-même de Nationaliste) prit la parole en son nom (P-A Colombani) et celui de ses deux collègues corses, pour demander carrément et clairement des pourparlers visant à "l'autonomie de la Corse". Pris entre le prochain référendum d'autodétermination de la Nouvelle Calédonie (qui possède déjà un statut d'autonomie) et le bras de fer pour l'indépendance de la Catalogne en pleine lumière médiatique, apparemment acquis lui-même à l'idée d'une plus grande participation régionale, la réponse du Premier Ministre fut en bref : d'accord pour plus d'autonomie, mais non à la dislocation de la République. C'est que cela devient chaud pour les Etats-nation européens : l'Ecosse, la Flandre, la Catalogne, la Nlle Calédonie, avec toutes les autres nationalités en réserve qui pourraient semettre en branle par effet domino ! Déjà délestés au profit de l'UE d'une partie de leurs pouvoirs régaliens et autres (monnaie, gestion des frontières, normes économiques etc...) ainsi que de l'essentiel de leurs pouvoirs législatifs pris en charge à 80% par Bruxelles et Strasbourg, les voilà menacés sur leur base par la revendication démocratique à l'existence des peuples historiques bafoués. Etat-nation spécialement archaïque par sa centralisation abusive et sa "monarchie républicaine", la France sent évidemment que le torchon brûle et qu'elle devra bien faire face un jour ou l'autre à de douloureuses remises en question. Mais bien sûr : le plus tard sera le mieux ! Poussés par les avancées extérieures, les flairs politiques les plus chatouilleux commencent sans doute à s'y préparer mentalement : quand le moment sera venu, s'il advient, ils seront prêts à embarquer pour le nouveau monde. Pour les autres, et notamment les deux extrêmes babord et tribord, on reste campé sur des positions certifiées inébranlables, comme du temps de "la France de Dunkerque à Tamanrasset" dont on connait l'issue ... Malheureusement, à l'inverse d'une petite Corse pugnace, la Bretagne qui a la taille de la Belgique ou de la Catalogne participe peu politiquement à ce mouvement. Par manque de volonté propre et de confiance en ses atouts considérables, elle a une fois de plus entièrement confié son destin à des formations hexagonales où ses quelques partisans sincères sont noyés dans la masse et ne peuvent intervenir que sur des questions annexes, pas trop irrespectueuses envers la doxa, et en tout cas jamais, au grand jamais, pour une telle interpellation lèse-majesté concernant un "statut global d'autonomie" ! Hopala ! Après cela, si on peut bien entendu continuer à s'enchanter de rêves fous comme les Celtes anciens rêvaient d'un Paradis du Couchant et son Palais de Cristal au delà de la Mer, il n'est pas non plus inenvisageable de mettre un modeste canot en chantier pour tâcher d'y parvenir ...
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Loïc. L Le Jeudi 2 novembre 2017 22:58
@Lucien Le Mahre "la réponse du Premier Ministre fut en bref : d'accord pour plus d'autonomie, mais non à la dislocation de la République" Dans les fait il s'agirait bien d'une dislocation de la république, au profit d'une France fédérale. Ce qui ne disloquerait pas du tout la France. Il est toujours surprenant de voir à quel point beaucoup, surtout les politiques, confondent République (dont la définition et sans rapport avec une quelconque notion de démocratie) et la France. Ce ne sont pas des synonymes, mais ils font comme si. Peut-être s'agit-il d'une habitude de discours politique datant de 1793. C'est ce type d'exemple que montre une expérience scientifique: des singes, une échelle et une banane. Lorsque le 1er monte à l'échelle prendre la banane, tout ses congénères se prennent une bonne douche froide, sauf lui. Bien entendu, par la suite chaque fois que l'un d'eux tente il se fait vite calmer par les autres. Un nouveau venu remplace un expérimenté. Même topo, mais le nouveau ne sait pas pourquoi il ne faut pas monter. Et rebelote, on remplace, au fur et à mesure tous les singes "expérimentés" par des "naïfs". Résultat, à la fin plus aucun singe n'a vécu la douche, mais si l'un d'eux tente de monter l'échelle, tout le monde l'en empêche...sans savoir pourquoi. On est décidément très proches d'eux...
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Lucien Le Mahre Le Vendredi 3 novembre 2017 11:45
Tout-à-fait ! Cette confusion est largement répandue. Comme l'est également, à propos de la Catalogne, la confusion fréquente et impardonnable pour des journalistes politiques entre autonomie et indépendance et dont on assiste à un véritable festival en ce moment. Ce qui non seulement pose des questions sur la qualité des écoles de journalistes, mais reflète en plus la difficulté française à intégrer politiquement les notions de gradation et de différence. On se demande comment ceux-là peuvent comprendre quelque chose, non seulement au problème catalan, mais également au référendum d'autodétermination de la Nlle Calédonie, puisque celle-ci vit déjà - sous couvert de la République en place - une large autonomie qui n'est pas sans rapport avec celle de l'Euskadi en Espagne, que j'ai déjà évoquée à plusieurs reprises comme but ou comme étape à réfléchir et à comparer pour forger un projet concret à notre propre usage. Car au delà des enthousiasmes bien naturels et à condition bien entendu de dépasser ce stade émotionnel, il y a mon avis trois orientations principales pour la Bretagne qui doivent être approfondis, discutés et comparés, étant donné que le réalisme nous indique qu'entre la situation d'assimilation coloniale d'aujourd'hui (sous couvert de pseudo régionalisme) et le pôle extrême de l'indépendance et du souverainisme, il faut nécessairement en passer par des étapes successives, étapes d'ailleurs nécessaires en contenu et en temps pour préparer un peuple à une auto-gestion efficace de ses affaires. Zapper joyeusement le parcours d'obstacles pour se voir illico sur le podium, c'est sans doute nécessaire un moment pour se remonter le moral, mais, à supposer qu'on soit déjà parvenu à ce stade - et on en est loin - on ne bascule pas avec toutes ses chances de réussite d'une condition politique de tutelle infantilisante, à une capacité à régler tous ses problèmes, sans avoir pris le temps de perdre le réflexe de se retourner vers papa dès que les choses vont mal. Soit donc d'abord une autonomie uniquement bretonne, permettant a minima (comme la Nlle Calédonie) de préserver notre patrimoine et de le développer et dans ce cas le modèle basque est ce qui a l'air de se faire de mieux en l'espèce puisqu'au fond c'est le refus par Madrid de leur accorder ce statut il y a quelques années (statut qu'ils avaient refusé au départ, en 1978) qui fit virer nettement les Catalans de l'autonomisme vers l'indépendantisme. C'est aussi grosso modo la situation néo-calédonienne dont je ne suis pas vraiment spécialiste, n'ayant qu'un résumé du Statut sous les yeux. Et dans ce cas : comment l'obtenir ? Soit ensuite une autonomie générale des Régions françaises redessinées et le cas échéant, c'est une variante à mettre au point de République décentralisée à la carte, style Espagne, ou Fédérale comme l'Allemagne ou mieux encore la Suisse, référence absolue en la matière. On n'oublie pas que l'Espagne a ses premiers problèmes sérieux de remise en cause de sa Constitution démocratique post-franquiste depuis 40 ans et que la Bavière par exemple a de son côté un courant indépendantiste de 15% de ses électeurs ... Et dans ce deuxième cas de figure, comment compter de notre point de vue, sur un pays dont le peuple pourrait y consentir, mais dont les élites politiques sont d'autant plus formatées au centralisme qu'elles profitent largement de la concentration des pouvoirs entre leurs mains. Par ce biais, la royauté, mais aussi le jacobinisme de la Terreur et le bonapartisme dictatorial trouvent étonnamment encore beaucoup de disciples ... Et pour reprendre votre propos dont je ne me suis éloigné un moment qu'en apparence, on peut même avancer que le fédéralisme serait certes une dislocation de la République Jacobine telle que nous la connaissons, mais au profit d'une République Girondine tout aussi légitime et par laquelle la Révolution commença (Fête de la Fédération). Donc une République Fédérale Française ne porterait en fait atteinte ni à la République, ni à la France. Enfin il y a la solution souverainiste ou indépendantiste, étape ultime pour certains mais évidemment pas pour tous et notamment pour une population culturellement sensibilisée à sa bretonnité, mais en retard politiquement sur ce plan, puisqu'elle vote encore majoritairement contre son camp et en faveur de la soumission au Centralisme d'Etat proposée par tous les grands partis nationaux, peu gâtée qu'elle est par une offre indigène peu affriolante et divisée, contrairement à ses homologues occidentaux comparables : Ecosse, Euskadi, Catalogne etc ... Une indépendance qui doit se considérer dans le cadre européen coopératif d'une UE si possible rénovée (et ne donnant donc plus tous les pouvoirs aux Etats-Nation) et non plus être envisagée comme une forteresse du 19ème siècle.