
Plongée analytique dans une recomposition majeure : d’un côté, l’essor d’une galaxie néo-jacobine souverainiste, de l’autre, la mobilisation fédéraliste qui se consolide au Sénat autour du 1er Forum « Libertés des territoires », aux côtés de Jean-Louis Borloo. Un duel stratégique qui reconfigure en profondeur les rapports de force de la décentralisation et annonce les futurs mouvements institutionnels.
Depuis quelques années, un réseau discret de think tanks façonne, à bas bruit, le débat républicain français. Individuellement modestes, ces cercles se complètent et s’articulent, formant un écosystème capable de peser dans les médias et sur la scène intellectuelle. Au centre de cette nébuleuse néo‑jacobine souverainsite : Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, autoqualifié « constitutionnaliste », dont l’influence s’affirme dans un espace idéologique largement déserté sur la question régionale.
« La différenciation territoriale qui s’impose progressivement depuis 2003 est le tombeau de la France. Il faut mettre fin à cette machine infernale et au cercle vicieux des statuts particuliers. Il est essentiel de rendre aux préfets des moyens aujourd’hui réduits à l’os : ce sont bien des moyens de l’État qu’il faut remettre sur les territoires. »— Benjamin Morel
Le Millénaire – Souveraineté nationale et État stratège
Cercle de réflexion souverainiste structuré autour de l’élection présidentielle de 2017, Le Millénaire - Think tank défend une vision d’État stratège, protecteur des biens communs et garant de la cohésion nationale. Il critique l’emprise des normes internationales et plaide pour une réaffirmation de la souveraineté populaire appuyée sur un appareil administratif recentré. Morel y figure au sein du conseil scientifique, ce qui pourrait correspondre à l’un de ses premiers engagements intellectuels d’envergure ; né en 1988, il aborde alors la trentaine, moment charnière où se consolide sa trajectoire dans la sphère souverainiste.
Institut Rousseau – Transition écologique et gouvernance centralisée
Créé en 2018 par de jeunes hauts fonctionnaires, l’Institut Rousseau se concentre sur la transformation écologique des territoires et la gouvernance institutionnelle, avec un État central fort. Très gaullien et jacobin, le think tank valorise un État recentralisé et déconcentré capable de piloter. En 2020, Morel rejoint le conseil scientifique comme directeur des études institutionnelles. Sous sa houlette, le think tank propose la suppression des régions, renforçant la commune et surtout l’État local : une stratégie mêlant localisme, recentralisation et déconcentration.
Fondation Res Publica – Souveraineté et défense de l’État républicain
Morel rejoint la Fondation Res Publica en 2020 comme président du Conseil scientifique. Fondée en 2005 par d’anciens chevènementistes, la Fondation défend la souveraineté nationale et les institutions républicaines face au fédéralisme européen. Critique du régionalisme et attachée à l’unité nationale, Res Publica consolide l’influence de Morel et relie ses analyses jacobines à celles de l’Institut Rousseau.
Laboratoire de la République – République indivisible et visibilité médiatique
Fondé en 2021 par Jean-Michel Blanquer, le Laboratoire de la République défend une République indivisible, laïque et centralisée. En 2024, Morel devient secrétaire général, orchestrant colloques, séminaires et publications. La doctrine territoriale qui s’y impose privilégie la déconcentration pour renforcer l’action de l’État. À cette époque, il publie son brûlot contre le régionalisme (1) et toute logique de différenciation, synthèse publique de sa vision jacobine.
L'Institut Valmy – Nationalisme et redressement de l'État
Créé en 2025, l’Institut Valmy publie un premier rapport sur la décentralisation et la gouvernance territoriale. Souverainiste et républicain conservateur, le cercle critique le mille‑feuille administratif et plaide pour responsabiliser élus et citoyens tout en préservant l’unité nationale, défendant avant tout une déconcentration encadrée par l’État. Lors de la présentation, Morel y intervient comme spécialiste, consolidant sa visibilité et son rôle stratégique.
L'Institut Terram – Une plateforme ambiguë sur la ruralité
Fondé en 2024, l'Institut Terram met la ruralité au cœur de ses travaux, analysant mobilité, services et infrastructures dans les territoires peu denses. Initialement régionaliste et différencié autour de la notion de "bassin de vie", le think tank bascule sous l’influence de Morel, qui rejoint le comité scientifique en 2025. À l’orée des municipales, il publie une étude valorisant la commune comme cellule civique centrale, dans la plus pure tradition jacobine, et critique la « technocratie » intercommunale.
Benjamin Morel, fil rouge d'un néo-jacobinisme souverainiste ?
Ces think tanks modestes forment un réseau méthodique où Morel agit comme architecte discret. Il bâtit sa légitimité sur des thématiques territoriales pour progressivement basculer vers des enjeux de gouvernance plus larges. Cet activisme proactif renforce l’ancrage institutionnel du mouvement et élargit encore une cartographie d’influences qui n’a, de toute évidence, rien d’exhaustif : dans la galaxie souverainiste, l’ubiquité de Morel défie désormais toute tentative de recensement sérieux. Maître de conférences devenu acteur multidimensionnel et ubiquitaire, il coordonne, oriente et diffuse ses idées, surfant sur le débat républicain tout en consolidant son ascension, visible sur tous les plateaux médiatiques.
Face à lui, les vrais décentralisateurs apparaissent dispersés ou trop techniques. Le retour médiatique récent de Jean‑Louis Borloo (2), autour de l’idée d’un « fédéralisme à la française », de nouveaux ouvrages sur la question (3) et la récente proposition d’une loi organique relative à la libre administration des collectivités territoriales (4) … viennent toutefois rééquilibrer le paysage en formulant l'alternative fédéraliste qui semble désormais prête à franchir un premier seuil collectif.
Mobilisation fédéraliste au Sénat avant le choc de décentralisation
Face au retour d’une pensée jacobine centralisatrice, une mobilisation politique active s’organise autour du prochain 1er Forum « Libertés des territoires », qui se tiendra prochainement au Palais du Luxembourg (5). Organisé par l’Association pour une France Fédérale, il réunit élus et experts engagés en faveur de l'autonomie des territoires. Surfant sur un sondage favorable à la régionalisation politique (6), Jean-Louis Borloo sera le grand témoin de ce rendez-vous clé avant le grand acte de décentralisation annoncé par le gouvernement.
Selon les médias, Morel, acteur calculateur et habile, s’engagerait désormais mystérieusement aux côtés de Jean-Louis Borloo (7), dans un paradoxe stratégique digne de triangulation...
Clarification tardive et confusion entre influence et expertise (ajout)
Suite à cette enquête, largement relayée et dépassant les 10 000 vues sur un réseau ultra qualifié*, alors que le colloque fédéraliste figure à l’agenda, Morel a précisé qu’il n’était pas le constitutionnaliste attitré de Jean-Louis Borloo. Sa première réaction, vive et révélatrice d’une irritation immédiate, a été suivie d’une mise au point plus formelle où il se présente comme politiquement “neutre” — c’est-à-dire sans alignement partisan explicite, posture classique dans la sphère souverainiste. Cette clarification contraste toutefois avec son parcours : une trajectoire où l’expertise académique devient un levier d’influence publique, estompant les frontières entre analyse scientifique, stratégie d’image et orientation idéologique.
APPEL
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(1) La France en miettes - Régionalismes, l'autre séparatisme. Éditions Cerf, Benjamin Morel, février 2023
(2) L'Alarme, Jean-Louis Borloo, mars 2022
(3) Pour une France fédérale (préface JL Borloo). Éditions l'Archipel, Grégory Berkovicz, mai 2022 - Libérons nos provinces !: Manuel pour transformer la France en République fédérale. Éditions l'Archipel, Grégory Berkovicz, janvier 2025 - Débloquer la France: Appel à fédéraliser les territoires. Éditions Atlande, Emmanuel Faivre, mai 2025
(4) Proposition de loi organique pour déterminer « les principes fondamentaux » de la libre administration grâce à l’article 34 de la Constitution (pdf), La Gazette des Communes, Géraldine CHAVRIER, Professeur des Universités, 15 octobre 2025
(5) 1er Forum « Libertés des territoires », vendredi 28 novembre 2025 (14h00), Palais du Luxembourg, Paris. Organisé par l' Association pour une France Fédérale.
(6) 71% des Français favorables à une France “fédérale”, Le régionalisme français à l'épreuve du temps, Groupe Ifop pour REGIONS ET PEUPLES SOLIDAIRES, août 2025
(7) Les constitutionnalistes de Jean-Louis Borloo, La Tribune du Dimanche , 23 novembre 2025
Commentaires (13)
C'est un échec à la "décentralisation" à la française qui invente des fausses régions pour garder tous les pouvoirs à Paris et pour l'échelon national-iste.
Mieux vaux la suppression des PDL et de B4 comme cela les nantais pourront être libre de se dire "bretons" et les habitants "région B4" verront qu'ils n'étaient plus en Bretagne eux aussi depuis longtemps. Cette situation d'avant 1972, pourrai reconstituer une unité bretonne avant l'effacement total du territoire Bretagne (historique) et du sentiment breton.
Nous, bretons, sommes comme les ukrainiens. Notre pays est dépecé par une puissance aux réflexes impérialistes qui prétende être une démocratie, sans demander aux français ni respecter les régions-provinces de France.
Provinces qui fonctionnaient en autonomie fédérale jusqu'en 1789 et depuis 700 ou 1000 ans !
https://www.lesechos.fr/2013/11/lecotaxe-expliquee-en-10-points-346038
Supprimer les régions administratives... soit, mais on remplace le vide par un vide encore plus grand prompt à être comblé par tous les fantasmes révolutionnaires ou "post" révolutionnaires.
Quid de la NOTION de Bretagne ?
Borloo est un vieux cheval sans réelle colonne vertébrale. Il ne nous mènera nulle part.
Nous avons besoin surtout d'élus bretons qui se battent pour la Bretagne. Pas d'élus qui veulent faire carrière à Paris dans des Palais sous les ors de la République.
Jean Louis Borloo dernièrement a proposé un fédéralisme technique généralise. Nous ne voulons d'un Conseil Régional des Pays de la Loire plus puissant.
Pire : le quotidien se decentre de sa vocation ouest-bretonne et devient de plus en plus rennais.
C'est un point crucial : la Bretagne n'existe pas médiatiquement. Pire, elle est travestie en une sorte espace vital rennais, sans langue bretonne... effectivement on peut se demander vraiment si la suppression des régions n'est pas la première étape avant de repartir sur de nouvelles bases
ou un chantage aux aides et subventions dont l'État arrosent les médias "libres".
En plus des milliardaires français qui achètent tous les journaux pour les transformer en "presse d'opinion".
Il reste quelques oasis de médias libres comme l'ABP.
On sait très bien par ailleurs l'état des forces conservatrices en France ainsi que la poussée des extrémistes de tous poils. Nous ne sommes ni victimes ni moutons quand nous agissons !