
Le fédéralisme n’est plus une marotte de quelques partis régionalistes. Selon un sondage IFOP rendu public le 25 août 2025, 71 % des Français se disent favorables à ce que la France devienne fédérale et renforce considérablement le pouvoir des régions. « C’est une défiance vis-à-vis de l’État », résume l’institut. En Bretagne historique, ce soutien grimpe à près de 80 %, et à plus de 85 % en Alsace.
Le fédéralisme n’est plus une marotte de quelques partis régionalistes. Selon un sondage IFOP rendu public le 25 août 2025, 71 % des Français se disent favorables à ce que la France devienne fédérale et renforce considérablement le pouvoir des régions. « C’est une défiance vis-à-vis de l’État », résume l’institut. En Bretagne historique, ce soutien grimpe à près de 80 %, et à plus de 85 % en Alsace.
Depuis son essai « L’alarme », mis en ligne gratuitement en 2022 , Jean-Louis Borloo tire le signal d’alarme sur une France qu’il juge « désorganisée », paralysée par un « millefeuille territorial » devenu ingérable. Récemment, l’ancien ministre est revenu au premier plan avec des propos plus radicaux que dans son texte initial, parlant ouvertement de « République fédérale à la française » et de provinces historiques fortes. De quoi intéresser directement des territoires comme la Bretagne, laissée à l’écart de la réforme territoriale de 2015.
Un État qui fait tout… et n’y arrive plus
Dans « L’alarme », Borloo dresse un inventaire brutal de l’organisation française : 13 régions, 101 départements, 35 000 communes, 22 métropoles, plus de 1 200 intercommunalités, sans compter agences, caisses et autorités diverses. Au total, pas moins de sept échelons politico-administratifs se partagent les politiques publiques. Tout le monde fait un peu de tout, et personne n’est vraiment responsable.
Contrairement à ceux qui prônent simplement « moins d’État », Borloo plaide pour « mieux d’État ». Il veut un État recentré sur le régalien : sécurité, justice, défense, diplomatie, grandes infrastructures nationales et garantie d’un socle commun en matière de santé et d’éducation. Mais tout le reste – logement, aménagement, éducation, politique de la ville, santé au quotidien – devrait selon lui être confié à un autre niveau de pouvoir.
Des régions ? Non : des provinces
C’est ici que le vocabulaire change. Borloo ne parle pas de renforcer les « régions », mais de confier l’essentiel des politiques non régaliennes à des « provinces » dotées de compétences « pleines et entières », d’un véritable pouvoir normatif et de ressources propres. On notera qu’il ne parle pas de régions, mais bien de « provinces ». Clin d’œil assumé à l’Ancien Régime, où les provinces géraient beaucoup de choses.
Le terme « province » renvoie clairement à un ancrage historique plus ancien que celui des grandes régions administratives. Dans certaines prises de position relayées notamment par des mouvements régionalistes s’appuyant sur ses interviews, ces provinces sont décrites comme fondées sur leur « périmètre historique » : Alsace, Lorraine, Provence, Bretagne… C’est une manière implicite de prendre ses distances avec la réforme qui a englouti l’Alsace dans le Grand Est et laissé la Bretagne incomplète.
Que deviendraient les départements ?
Dans le texte de 2022, Borloo ne dit pas noir sur blanc qu’il veut « supprimer les départements ». Ils apparaissent encore dans le diagnostic et dans quelques schémas de gouvernance. Mais son architecture réelle repose sur un binôme simple : État fort sur le régalien, provinces fortes sur la vie quotidienne.
Dans ses propos de 2025, il répète que la France est « l’organisation publique la plus émiettée au monde » et que le pays ne peut plus fonctionner avec sept couches différentes pour une même politique. Il parle de « renverser la table » institutionnelle et d’attribuer chaque mission à un seul niveau de décision. De fait, cela revient à fusionner l’échelon régional et l’échelon départemental dans ces provinces.
La rupture borloosienne, c’est l’idée qu’une mission doit correspondre à un seul niveau responsable et que l’État s’occupe uniquement du régalien. C’est le cas de la plupart des pays qui entourent la France, et qui, cela ne peut être un hasard, s’en sortent globalement mieux qu’elle.
Un Borloo de plus en plus radical
Jean-Louis Borloo est souvent plus direct sur les plateaux télé que dans son texte de 2022. Voir son interview sur LCI : ou sur Sud Radio .fr/linvite-politique/jean-louis-borloo-il-faut-mettre-en-debat-la-republique-federale-a-la-francaise
Il décrit une France atteinte de « polyarthrite bureaucratique », un pays « en train de ne plus être un pays » si rien ne change. Des journalistes résument désormais son projet comme une « République française fédérale » fondée sur des provinces historiques ; il ne les contredit pas.
C’est donc dans la combinaison des deux – l'essai de 2022 et les interviews de 2025 – que l’on comprend le mieux sa proposition : un État resserré sur le régalien, des provinces historiques fortes, la fusion de fait des niveaux région et département, et la fin du tout-puissant jacobinisme centralisateur qui a favorisé une « république des copains ».
Ce que changerait une province Bretagne
Appliqué à la Bretagne, le schéma de Borloo serait une petite révolution. Une province Bretagne disposant d’un vrai pouvoir normatif et de ressources propres pourrait, sur ses cinq départements historiques, en théorie :
- définir une politique linguistique cohérente pour le breton, le gallo et le français dans l’éducation, les médias et la signalisation, avec l’officialisation de la langue bretonne et l’enseignement de l'histoire de la Bretagne à côté de l'histoire de France ;
- organiser de manière intégrée l’urbanisme, le logement, les transports du quotidien et la transition énergétique, en coordonnant tramways, bus et liaisons ferroviaires régionales ;
- prendre la main sur la gouvernance de la santé et l’implantation hospitalière à l’échelle bretonne ;
- conduire une politique économique, agricole et maritime adaptée aux réalités du territoire et à la protection de l'environnement.
Dans le sondage IFOP du 25 août 2025, 78 % des habitants de la Bretagne historique se déclarent favorables à une France plus fédérale et à un renforcement considérable du pouvoir des régions. En Alsace, ce soutien atteint 86 %. Autrement dit, les territoires qui ont été les plus maltraités par la carte de 2015 sont aussi ceux où l’option fédérale recueille les scores les plus élevés.
Pour la Bretagne, l’Alsace ou la Corse, l’intérêt de ce débat est évident. De petits partis comme l’UDB, qui prône l'autonomie depuis 60 ans, ou le Parti Breton dans un récent communiqué prônent cette dévolution depuis longtemps, rejoints plus récemment par YES BREIZH
La dévolution proposée par Yes Breizh pour la Bretagne
Pour la première fois depuis longtemps, un responsable politique de premier plan, ancien ministre, met sur la table, sans détour, l’idée de provinces puissantes et d’une République fédérale assumée. Aux peuples concernés de s’en emparer – ou non, car le dernier carré des jacobins monte aux créneaux.
Enquête: la galaxie néo-jacobine et le pivot stratégique de B. Morel dans le bras de fer avec les fédéralistes
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72967-lalarme
Jean-Louis Borloo
L\'essai en entier
Commentaires (12)
Prudence, tout de même, si les départements fusionnaient avec les régions en l'état. N'oublions pas que nos élus savonneront la planche de la Réunification.
Combien de divisions?
Et surtout, on attribue à ces personnalités "centristes" des intentions pour la Bretagne qu'elles n'ont jamais eu ou exprimé.
Macron n'était-il pas censé quasi réunifier la Bretagne et mettre fin à la carte d'Hollande ? 9 ans après, la carte a été confortée, pérennisée.
Ces partis sont tellement faibles, qu'ils font alliance avec des partis nationaux (souvent EELV)
C'est autrement plus significatif que des sondages
Sachant que la B4 et les PdlL ont été confortées alors que les régions continentales françaises sont passées de 21 à 12 en 2014 (sacrée purge !), vous pouvez être à peu près certains que dans l'hypothèse (toute petite) que Borloo Président (très improbable) imposerait (encore plus improbable) un découpage à une vingtaine de régions, soit un nombre quasi équivalent à ce qui existait en 2012-2013, B4 et PdlL resteront inchangées...mais souhaitons-nous réellement, et avant toute reforme sur le fond, que Nantes et Rennes soient de façon effective pour une fois réunies dans une même région ?
Il y avait également (et cela ne coincide pas avec les gouvernements généraux, même par regroupements ), 17 Parlements (dont 16 Territoires périphériques à un très grand Bassin parisien (Parlement de Paris, dont relevait par exemple l'actuelle Vendée)), et une trentaine de généralités, entités à statuts fiscaux différenciés ne coincidant pas du tout également (exemple : 3 généralités pour la Normandie et sans respecter la limite de la Normandie), Touraine-Maine (sans le Perche) et Anjou regroupés en une seule généralité etc), et les provinces écclésiastiques et leurs évêchés qui là aussi ne coincident pas.
C'est un point essentiel : ce qui existait pour la Bretagne (une osmose entre Parlement, Gouvernement général et Généralité) n'existait pas la plupart du temps ailleurs. Toutefois même pour la Bretagne, l'osmose n'était pas parfaite : sur le plan religieux, la Bretagne n'existait pas.
Il y avait 9 évêchés situés en Bretagne (sachant que du côté de Nantes, la limite du diocèse ne correspondait pas exactement à celle de la Bretagne) qui relevaient de la province de Tours. Il n'y avait aucune dimension bretonne en fait sur le plan spirituel, omniprésent dans la vie de l'époque.
Tout cela pour dire qu'historiquement ces histoires de province sont bien plus complexes que celles des "provinces" (= gouvernements généraux de 1789) d'Ancien Régime, que les Départements dans bien des coins sont apparus aux yeux des populations comme une simplification salutaire (sans renier complétement un héritage pluri-séculaire) et que surtout, surtout ce que nous percevons pour la Bretagne (une forme d'osmose) n'est pas comparable ailleurs, en tous les cas, partout ailleurs. Rappelons aussi que Nice (Mulhouse etc) par exemple n'a jamais fait partie de la France d'Ancien Régime.