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La myopie une vertu nationale ?
En tout cas, elle a une tradition, la myopie ! 1789. Depuis un bout de temps, ça remuait dans les quartiers populaires de la capitale et à partir du 12 juillet,
Francois Labbé Par le 19/12/16 11:36

En tout cas, elle a une tradition, la myopie !

1789.

Depuis un bout de temps, ça remuait dans les quartiers populaires de la capitale et à partir du 12 juillet, des incidents surviennent. La Garde Nationale est fondée par les électeurs du Tiers État, les grands bourgeois en quelque sorte, qui ressentent le besoin de s’armer. Le 14, les Parisiens, le peuple, cherchent à leur tour des armes et se rendent à la Bastille tout naturellement puisqu’elle sert (surtout) d’arsenal. Les choses se passent mal et la foule défile avec, au bout d’une pique, la tête du gouverneur de Launay qui a voulu jouer les vertus effarouchées. Au soir, la terrible Bastille est aux mains des insurgés. Le duc de Liancourt s’est empressé d’informer le roi des événements et celui-ci ne trouve rien de mieux que de poser cette question : « Mais, c’est une révolte ? », question à laquelle Liancourt répondra sentencieusement, mais cela ne frappera pas non plus le souverain : « Non Sire, c’est une révolution » ! On pourrait dire que si Liancourt fait preuve de dons prophétiques (encore qu’il aurait pu dire : C’est la Révolution), Louis-le-Serrurier manque un tant soit peu de clairvoyance !

Si on considère que gouverner, c’est prévoir…

Traversons les siècles. L’ordonnateur des fêtes du bicentenaire, François Mitterrand, n’était pas mauvais non plus de ce point de vue : la chute du fameux mur (de Berlin), il ne l’avait pas vraiment vue venir. Quant à la réunification, il a longtemps traîné les pieds. Lui qui avait su tenir la main de Kohl à Verdun (mais c’était un regard sur un passé dramatique et glorieux), il n’avait pas compris (ou voulu ou osé) qu’il aurait mieux fait de rejoindre le gros chancelier près de ce fameux mur, ce qui aurait été un regard vers le futur, le signe d’une vraie perspicacité politique. Il savait certes que cette réunification se ferait. Mais pour lui, ce serait « un jour », lorsque les « alliés » et les « Soviétiques » le décideraient. Les grandes décisions se prennent dans les cabinets politiques, pas dans la rue, voyons ! La rapidité de l’effondrement du bloc de l’Est l’a étonné, lui qui venait de fêter en grandes pompes 1789 (remarquons bien : 1789, pas 1792 !).

Si on considère que gouverner, c’est prévoir…

Sarkozy a continué la tradition de la myopie politique française. Sa ministre des Affaires étrangères, alors la voix de son maître par excellence, un de ses fusibles, s’était faite quasiment l’apôtre de l’ordre-Ben-Ali en pleine Assemblée : « Faut qu’on l’aide ! Envoyons du matos ! ». Paris n’avait pas vu que Tunis se libérait, comme Paris n’a jamais voulu comprendre – et ne voudra jamais comprendre – que les Africains, dans leur majorité, ne veulent plus de la France-Afrique et de ses envoyés spéciaux ou pas…

On pourrait multiplier les exemples. Lorsque de Gaulle disait aux habitants de l’Algérie qu’il les avait compris, et que la foule qui l’applaudissait scandait « Algérie française, Algérie française », il n’est pas sûr qu’il ait effrontément menti comme d’aucuns le prétendent : il croyait encore très sincèrement que l’armée française viendrait vite à bout de la « rébellion ». Il n’avait probablement tout simplement pas encore admis, lui non plus, que ce n’était pas une révolte qu’il fallait mater, « pacifier », comme on disait alors, mais qu’une véritable Révolution était en train de lui exploser à la face et que le monde changeait. Il se rattrapera certes assez vite, ne pouvant faire autrement, comme Mitterrand plus tard, comme Sarkozy qui tentera de compenser sa myopie en allant piquer les lunettes de soleil de son ex-ami Khadafi (sans se douter des conséquences !).

Et puis, il y a Hollande, qui, depuis des années, voit venir le redressement de la courbe du chômage, comme soeur Anne, qui, elle, disait au moins ne rien voir venir... Hollande qui trouve que les choses vont mieux alors qu’elles se traînent paradoxalement dans un contexte où l’énergie n’a jamais été aussi bon marché, où l’euro n’a jamais été aussi bas...

Que ne nous a-t-on pas ressassé les oreilles en nous disant, il y a 3-4 ans, que tout serait différent si le pétrole était moins cher et si l’euro diminuait de valeur. Le bon Sapin levait les bras au ciel « Ah ! si le pétrole !!!, Ah ! si l’euro ! » et prévoyait avec constance à côté de la plaque...

Nous les Bretons, on en sait quelque chose de ces prévisions à la (trouvez la rime !). Rappelez-vous du fameux plan breton, de la Bretagne qu’il fallait désenclaver en construisant des autoroutes, en supprimant les lignes de chemin de fer désuètes, pas rentables, en créant partout des ZAC, des ZUP etc. étouffant les belles et paisibles cités bretonnes dans un corset de hangars, tôle ondulée et panneaux criards !

Souvenez-vous de la FDSEA qui devait se charger d’assurer l’avenir économique de l’agriculture bretonne, des grandes fermes qui devaient phagocyter les petites pour devenir concurrentielles, du remembrement qui était la clé de l’évolution en transformant le paysage de bocages, les haies, les murets, les chemins creux en un openfield à l’américaine.

Souvenez-vous des langues interdites, de la Bretagne réduite à quatre départements au mépris de l’histoire et des traditions, du droit des gens à l’intégrité de leur patrimoine... Souvenez-vous...

Myopie française, disais-je, sans doute, mais par excès de nombrilisme jacobin ou plutôt par incapacité, par faiblesse à accepter la différence. Par manque d’idées généreuses et parce que nos politiques sont souvent des nains qui se prennent pour des géants.

Les choses changeront peut-être un jour, quand l’homme politique, l’homo politicus, aura disparu et que la politique, la res publica, ne sera plus un métier (ou une rente, un fief), qu’elle sera prise en charge par les citoyens, qu’on sera ministre ou député le temps d’une législature seulement et sans cumul possible, que l’État (la communauté) ne versera à ces femmes et hommes acceptant de sacrifier quelques années de leur vie à la chose publique qu’une indemnité égale au salaire qu’ils percevaient dans leur dernier emploi, qu’ils devront régulièrement rendre compte devant leurs mandants de leur travail, que l’impératif catégorique sera de redonner leur sens aux valeurs de la République : Liberté, Égalité et Fraternité, en y ajoutant peut-être un quatrième terme : Respect, respect de soi et des autres, de la différence, de l’environnement, des générations à venir...

Comme on dit, il y a du pain sur la planche...

Et si on commençait à s’y mettre en Bretagne ?

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