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- Chronique -
Le premier CD d'Alan Rouz et Alexi Orgeolet "An diaoul hag ar valafenn" (Le diable et le papillon)

Le premier CD d'Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET "An diaoul hag ar valafenn" (Le diable et le papillon).

Gérard Simon pour Culture et Celtie le 7/07/18 11:17
Extrait du CD Alan ROUZ et Alexi ORGEOLEY "An diaoul hag ar valafenn" (Le diable et le papillon) : "An diaoul laik" - Extrait de 00:55
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Jaquette du CD d'Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET - An diaoul hag ar valafenn - Le diable et le papillon

Comme un papillon qui, au terme d’un printemps mutant, déjà, vers les prémices d’un prometteur été, apponte délicatement sur votre épaule, ce nouvel album est venu se poser, avec toute son originalité et son apparente quiétude, sur la platine de notre chaîne Hi-Fi.

Son titre : « An diaoul hag ar valafenn », Le diable et le papillon !

Sur la première de couverture de la jaquette, un lumineux jaune-orangé graphisme, peint par l’artiste argentin Ricardo CAVALLO, depuis 2003, résident finistérien de Saint-Jean-du-Doigt, semble corroborer les premières lignes de notre chronique.

D’autant que sa vision picturale est celle d’un « Robert le diable », papillon pourvu d’ailes très découpées, aux allures de diable moyenâgeux, au nez crochu.

Un papillon… le diable… pour « enseigne » ; qu’elle est, donc, l’intention artistique des signataires de ce disque, Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET, qui se profile sous ces aspects picturaux et cette zoonymie ?

Sans nul doute, celle, d’alternativement nous présenter, des instants de légèreté, de poésie, suivis de moments plus corrosifs, plus subversifs, sans trop hausser le ton, utilisant, même, pour ce faire, l’humour.

La première page du livret le précise :

« Le diable et le papillon » renvoie aux deux premiers morceaux de ce disque, mais ce titre résume, aussi, l’esprit de tous les textes qui y figurent. Comme l’avers et le revers d’une même médaille, s’y mêlent, humour et cruauté, violence et sensibilité. Quelques fulgurances de poésie brute, mais aussi des mots qui égratignent, mordent ou cognent. Leur attachement à cette littérature orale et populaire leur vient de cette gouaille qui résiste à l’air du temps. Que la musique de cet album contribue à en transmettre le sel?! ».

Temps est venu, pour nous, de vous présenter les deux talentueux et créatifs acteurs de cet opus, à la texture originale, insolite, vraiment inattendue, puisque fruit d’une fusion « voix et guitare hawaïenne » (Steel guitar), aussi réussie, qu’improbable.

Apprécié, sur scène, depuis quelques années, déjà, auprès d’une figure emblématique du genre, Marcel GUILLOU, ancien cultivateur de métier et chanteur breton, Alan ROUZ est un chanteur traditionnel, rompu à l’art du kan ha diskan (voir le site) .

Chanteur émérite du Kreiz Breizh, accompagnant Éric MARCHAND, Youenn LANGE ou Éric MENNETEAU, Alan transcende, par sa rigueur et sa nuance l'art qu’est cette forme d’expression vocale chantée, si spécifique, en Bretagne.

De son côté, Alexi ORGEOLET, est un musicien formé à l'école de jazz du très récent défunt, le fort regretté, virtuose et magique violoniste Didier LOCKWOOD, excusez du peu !

Alexi s'oriente, alors, vers les musiques classiques d'Inde du Nord, puis il adopte la guitare hawaïenne, fonde, Issu du quatrième collectif formé par la Kreiz Breizh Akademi, le quartet TALMEST, groupe musical s’exprimant au confluent des musiques traditionnelles et du jazz.

Il accompagne, ici, de son instrument fétiche, à la coloration indienne, le chanteur.

Cette association très originale, inédite, donne une saveur et une modernité nouvelles aux textes, bretons, gallos, voire pour un titre, français, ouvrant une voie artistique, jusqu’alors, inexplorée.

Nous apprécions et saluons, toujours, cette prospective créativité qui permet de perpétuer le traditionnel en le respectant, mais, en quelque sorte, en l’actualisant avec respect, mais évolutivité, à bon escient, sans faute de goût, ce qui est le propre de ceux qui, depuis de longues années, colportent la tradition en envisageant, toutefois, sa pérennité, loin de tout excès, formatage de mode ou de circonstance, trop souvent pratiqués par ceux qui « prennent, opportunément, le train culturel, en marche », sans en connaitre ses fondements, ses codes, ses usages.

C’est en 2012 qu’Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET se sont rencontrés, au sein du collectif de la Kreiz Breizh Akademi d’Erik MARCHAND.

A parti de 2016, tous deux ont travaillé à la composition d’un répertoire plus personnel qui conjugue chant en breton et guitare hawaïenne, ceci, à partir de textes de tradition populaire.

Vous découvrirez dans ce premier Compact Disk de ROUZ et ORGEOLET, distribué par Coop Breizh, 9 titres dont 8 chantés en breton et 1 chanté en français.

Vous qui, comme nous, aimons nous immerger tranquillement et longuement dans le culte de l’album, le programme, vous semblera court, d’autant qu’au-delà de ce qui pourrait apparaitre comme un simple et monotone duo, celui-ci se révèle de très grande qualité, agréable à l’oreille et, finalement, subtilement varié dans ses rythmes, ses échanges et ses sonorités. Mais sachez que, malgré tout, par la durée des plages présentées, celui-ci se distille, pour notre plus grand bonheur, durant, tout près, de 48 minutes !

Vous y trouverez des compositions, des reprises de mélodies traditionnelles et des adaptations de chants à écouter ou à danser, puisés, principalement, dans les terroirs du Kreiz Breizh, mais, aussi, dans ceux du Trégor, des pays vannetais et gallo.

Un texte de la poétesse bretonne, Anjela DUVAL, une version d’une marche traditionnelle du pays vannetais, version de l'une des références du chant traditionnel en pays d'Auray et vannetais, Jean LE MEUT, père du célèbre talabarder, André, dit Dédé LE MEUT (voir le site) (La note, en anglais, figurant dans le livret l’impute, contradictoirement, au texte en français, à André… qu’importe, ils ont du la chanter ensemble !), une suite de danses plinn sur des airs composés par Alan ROUZ avec un texte entendu dans une version longue des Frères MORVAN, figurent, entre autres, dans la liste des pièces proposées.

Pour ne pas transiger sur la qualité du son et vous proposer un bel objet musical et visuel, cet opus, produit par L’oreille de l’Autre, Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET a fait l’objet d’un financement participatif en ligne, afin de pouvoir s’assurer, budgétairement, le concours, très professionnel, d’un ingénieur du son œuvrant dans un authentique studio d’enregistrement, de la prise de son au mixage.

C’est dans ce contexte favorable que l’enregistrement a, donc, été réalisé en mars 2018, au studio Modivodjo de Saint-Brieuc, créé, en 2017, par Mathieu PESQUE et Sammy MAUJARD que nous retrouvons, la dernière page du livret le précise, derrière les potentiomètres de la console.

Le mastering a été réalisé par Ronan CLOAREC, chez Master Lab Ssystem, à Nantes (44-Bzh).

Le travail photographique a été confié à Véronique LE GOFF et le graphisme à Laurent LE GUILLOUX.

Ce Compact-Disk se révèle, ainsi, d’excellente facture, tant sur le plan textuel, vocal, musical, sonore que visuel. Tout y est soigné et la présence d’un livret inséré dans le Digipack sera, sans doute possible, très appréciée des non-locuteurs, dont nous sommes, puisqu’il propose la traduction complète des 8 titres chantés en breton. Cet éclairage linguistique renforce, encore, l’intérêt que nous avons eu, immédiatement, pour ce disque séduisant à l’oreille, parce que très bien chanté et très habilement accompagné et qui, de surcroit, véhicule, aussi, du fond.

Dès les premières notes du premier titre, « An diaoul laik », la très belle voix d’Alan, puissante mais nuancée, s’accorde, parfaitement, avec le « glissando » plaintif, puis le rythme des cordes d’Alexi.

On sait que cette association « voix-steel guitar » va fonctionner, aussi bien en mode mélodique lent qu’en rythme plus marqué.

Quant à l’aspect textuel, nous ne sommes pas déçus par le contenu, puisque, de veine satirique, cette chanson inédite provenant des archives de l’Abbaye de Landévennec, évoque, sur une mélodie composée par Alan, l’arrivée, au début du siècle, des écoles de la République dans les campagnes catholiques léonardes, assortie des réactions que celle-ci suscitait :

« Setu, an diaoul o tont er vro,

An diaoul laik eo e anv ».

.../...

Krial, harzal a ra ‘bep tu :

« Me ‘h eo mab ar Republik ruz ! »

Daoulagad diaoul zo en e benn

C’hoant d’ober skol en deus a grenn

« Voilà le diable qui nous arrive ?

on l’appelle le diable laïque ».

…/…

Il crie, aboie de tous côtés :

« je suis le fils de la république rouge ! »

Son regard est diabolique

il brûle d’envie de vous faire la leçon.

Le ton de ce « diable laïque » est bien loin du « papillon » posé sur le poème d’Anjela DUVAL, remis en musique par Alexi ORGEOLET :

Ur velvenn velen ‘m eus gwelet

En hentig don o nijellat

O troidell’ hag o koroll’

Ha hi drantik ha hi bagol.

J’ai aperçu un papillon jaune

Quivoletait dans le chemin creux

Il dansait et virevoltait

Tout enjoué, tout guilleret.

Ce message de printemps, écrit en mars… 1968, n’était-il, toutefois, pas un signe prémonitoire qui, comme le précédent concernerait la République ?

Nous vous engageons, sans réserve, à vous procurer, encore une fois, affirmons-le, ce, vraiment, très agréable et novateur enregistrement, où vous découvrirez la voix d’Alan ROUZ dans un autre registre que celui de l’énergique et dansant kan ha diskan que vous connaissez, habituellement. Vous apprécierez les pleins et les déliés de son timbre modulé, maitrisé en puissance qui s’entrelace, magnifiquement, avec les cordes d’Alexi.

Quant à la stell guitar d’Alexi, ou guitare hawaïenne, instrument né dans l’archipel du pacifique, suite à la colonisation européenne et américaine, avec son manche creux, jouée, posée, à plat, sur les genoux, au moyen d’une barre que l’on fait glisser sur les cordes et d’onglets métalliques, elle se marie, ici, merveilleusement bien avec les mélodies bretonnes en leurs donnant, parfois des couleurs jazzy, presque country, souvent indiennes, voire quasi cajuns, comme, en plage 7 dans « An hini a garan »).

Visiblement, par leur duo inédit, les deux artistes souhaitent apporter, encore, quelque chose de bien différent dans l’univers, pourtant déjà très exploré, de la musique bretonne, celtique, largement dépoussiéré, revisité, fusionné, extrapolé, par le rock, le jazz, la world, parfois le rap, toutefois, en ne dénaturant pas l’essence même de ses textes et mélodies.

Autant le dire et le clamer… C’est très réussi !... efficace, respectueux et esthétique !

Dans l’esprit de notre constante recherche d’enrichir, d’élargir notre, votre discothèque « celtique », « An Diaoul hag ar valafenn » d’Alan RUZ et Alexi ORGEOLET a, sans nul doute, toute sa place !

Nous vous l’avions précisé, dès l’orée de cette chronique : un très coloré papillon est venu se poser sur notre platine… pourquoi pas sur la vôtre ?…

Gérard SIMON

Illustration sonore de la page : Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET - "An diaoul laik" - Extrait de 00:55.

CD Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET

"An diaoul hag valafenn"

Parution : 18 mai 2018

Production : Alan ROUZ et Alexi ORGEOLET et L'Oreille de l'autre.

Distribution : COOP BREIZH : (voir le site)

- Réf : 4016247

La page Facebook du duo : (voir le site)

Les titres du CD "An diaoul hag ar valafenn"

01 - An diaoul laik - 06:35

02 - Ar valafenn - 04:10

03 - An daou vreur - 05:04

04 - Izabel ar Iann - 08:35

05 - Ar sabotier koed - 04:55

06 - Par un beau soir - 03:35

07 - An hini a garan - 03:33

08 - 09 - Ar marc'hadour bihan - 07:02 et 04:29

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