La Bretagne est écartée de l’évolution institutionnelle qui devrait permettre à la Corse de progresser vers l’autonomie par une reconnaissance constitutionnelle. Aurions-nous manqué le train de l’Histoire ?
La région Bretagne évoque désormais le recours aux possibilités de différenciation prévues par la loi 3DS ou une hypothétique réforme de l’article 73 de la Constitution pour offrir à la région un pouvoir normatif dans le champ de ses compétences.
Pourquoi une telle différence entre la Bretagne et la Corse ?
La Bretagne n’est pas la Corse.
Mais les Corses et les Bretons forment, chacun à leur manière, un peuple. Ce sont surtout leurs autorités politiques qui ne raisonnent pas de la même manière.
Le Conseil régional de Bretagne s’affirme « région » et souhaite bénéficier des opportunités offertes par la décentralisation, alors que l’Etat refuse toutes les demandes d’adaptation formulées.
La Corse s’affirme « peuple » et prétend à sa reconnaissance constitutionnelle pour une réelle autonomie.
A Saint-Malo, le président de la région Bretagne a remis un rapport pour plus d’autonomie à Mme la Première ministre Borne.
Mais il a fallu retirer le Gwenn ha du de la salle pour que Mme la Première ministre prenne la parole. Celui qui commence par retirer son drapeau est-il crédible pour obtenir des droits ou des libertés ?
Le rapport breton en lui-même est d’une ambiguïté rare. S’il finit par évoquer timidement un éventuel statut constitutionnel, c’est pour les calendes grecques !
Et surtout, en 40 pages, nulle mention du « peuple breton » . Nous avons regardé le projet Corse pour l’autonomie. La notion de « peuple corse » est reprise plus de 70 fois.
Que peut attendre celui qui remet une demande d’autonomie, en retirant son drapeau et sans jamais oser dire qu’il le fait au nom d’un « peuple » ?
Au nom de quoi émanciper une « région » puisqu’elle n’est qu’une partie du tout ? Une région ne présente aucune altérité, ou alors délégitimée.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la langue bretonne est en fâcheuse posture. A quoi bon sauver « une langue régionale » et donc forcément inférieure ? On ne sauve une langue que lorsqu’un peuple la prend en charge, et encore nous savons à quel point c’est difficile.
Si nous pouvons voir dans la remise de ce rapport breton un acte fort puisque pour la première fois, il est question d’autonomie, encore faut-il que la demande soit claire. Le choix s’impose à nous : sommes-nous une « région » ou un « peuple » ?
Faut-il vraiment s’étonner si les Corses avancent tandis que les Bretons restent soumis à tous les vents de l’Histoire ?
Notre destinée sera-t-elle de demeurer cette « région » variable d’ajustement de toutes les politiques publiques, ou le peuple breton sortira-t-il enfin des brumes de l’Histoire ?
Yvon Ollivier
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