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- Chronique -
Politique étrangère de la Bretagne et paradiplomatie
En matière de relations internationales, la région administrative Bretagne ne peut disposer que d’une paradiplomatie embryonnaire.
Yves-François Le Coadic pour ABP le 12/10/18 16:26

Lors de sa venue à Lorient, lors du dernier festival interceltique, le Premier ministre du Pays de Galles a rappelé l’existence, depuis 2004, d’une relation officielle avec la région administrative Bretagne. Un nouvel accord a été signé en janvier 2018, pour 5 ans, engageant les deux parties à développer et consolider durablement leurs liens institutionnels, économiques et culturels. La région Bretagne n’étant pas majeure politiquement à la différence du Pays de Galles, le protocole ne saurait créer d’obligations ou d’engagement juridique entre les deux parties. On notera également qu’il a été rédigé en langues française, galloise et anglaise mais qu’il n’a pas de version en langue bretonne.

Cette relation officielle pourrait donner à penser que l’entité subétatique “Région administrative Bretagne” développe, à l’égal des états américains, des provinces canadiennes, des régions et communautés belges et des communautés autonomes espagnoles, une diplomatie parallèle à celle du gouvernement central français. Ce qu’on appelle une paradiplomatie (Soldatos). De nos jours, un nombre très impressionnant d’entités subétatiques sont actives en relations internationales: le Québec (province du Canada) possède 28 représentations internationales, la Catalogne (communauté de l’Espagne) en compte une cinquantaine, la Flandre (région de Belgique), une centaine. Ces entités négocient et ratifient de véritables traités avec des Etats souverains. Sur le plan bilatéral, le Québec a conclu près de 300 ententes avec des gouvernements étrangers dont la France. La coopération franco-québécoise est ainsi soutenue par un mécanisme unique, la Commission permanente de coopération franco-québécoise . Créée en 1965, c’est l’instrument privilégié de la mise en œuvre des engagements gouvernementaux du Québec et de la France. Le 8 mars 2018, à l’occasion de sa mission économique et politique en France, le premier ministre québécois a participé à la 20e Rencontre alternée des premiers ministres québécois et français à l’invitation de son homologue français. Parmi les thèmes prioritaires de cette coopération, mentionnons notamment l'économie, le numérique, la jeunesse, la promotion de la langue française, la lutte contre les changements climatiques, la prévention de la radicalisation et la stratégie maritime. Au récent sommet de la francophonie, le Québec disposait d’un siège plein comme le Canada.

Le développement de la paradiplomatie est favorisé par la crise de l’Etat-nation. Les entités subétatiques deviennent des économies de poids à l’échelle mondiale et développent des stratégies internationales dans le but de favoriser leurs exportations mais aussi d’attirer les investissements étrangers. Elles font donc de la politique étrangère. Mais le développement de la paradiplomatie est aussi fortement favorisé par le nationalisme de ces nations non souveraines. Les stratégies de construction d’une nation par les mouvements nationalistes infranationaux comme le Québec, la Catalogne ou la Flandre ne se sont jamais limitées à la politique interne. Les nations minoritaires s’activent également en relations internationales. Ces mouvements mettent en œuvre une paradiplomatie identitaire, c’est-à-dire une paradiplomatie ou une politique étrangère sur le plan infranational, dont l’objectif fondamental vise le renforcement ou la construction de la nation minoritaire dans le cadre d’un pays multinational (Paquin).

En développant ses relations internationales, la région administrative Bretagne développerait-elle une diplomatie parallèle à celle du gouvernement central français sans que celui-ci ne s’en offusque?

Les stratégies qu’elle déploie sont principalement des stratégies européennes fortement encadrées par l’Etat français. Au sein du Conseil régional, la Direction des Affaires Européennes et Internationales assure le suivi global du Contrat de projet Etat-Région et gère les subventions globales des Fonds européen. Elle assure la coordination des actions de la Région auprès des institutions européennes, des régions partenaires et à l'international. La région administrative Bretagne a engagé une coopération avec deux régions européennes et trois régions hors d’Europe. Elle participe à des réseaux européens et mondiaux.

Mais pour la région administrative Bretagne, le grand absent, c’est le nationalisme. Flandre, Québec, Catalogne qui sont les gouvernements subétatiques les plus actifs en relations internationales ont une caractéristique commune: le nationalisme. En France, les minorités nationales n’étant pas reconnues, il n’y a aucune tentative de construction de nations alsacienne, bretonne, corse (encore que!), basque, catalane. S’il y a un nationalisme, c’est le nationalisme français. Les membres du Conseil régional sont des nationalistes français, membres de partis politiques français ou liges de ces mêmes partis. Et leur bretonnité n’est qu’un faire-valoir qui ne peut pas cacher leur interrogation existentielle sur l”être Breton?”. Accordons-leur un faible régionalisme. Il n’y aura donc pas de paradiplomatie identitaire. Ce qui affaiblira d’autant la vigueur des relations internationales de la Bretagne et sa reconnaissance comme nation à l’échelle internationale.

Au final, la région administrative Bretagne ne peut disposer que d’une paradiplomatie embryonnaire. Sa seule ambassade est, comme le déclarait il y a quelques années, sur le ton de la plaisanterie, son ancien président (aujourd’hui ministre de l'Europe et des Affaires étrangères), la Maison de la Bretagne à Paris!

Voir aussi :
Yves-François LE COADIC Youenn-Fañch AR C'HOADIG
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Vos 2 commentaires
Karine Lepetit Le Samedi 13 octobre 2018 10:49
Bien vu. A contrario on constate que celui qu'on nous présente comme l'emblème de la Bretagne-Jean Yves Le Drian -est le docile ministre des affaires étrangères de l'actuel gouvernement français. On a tout particulièrement noté son silence assourdissant sur les faits et méfaits récents de l'Arabie Saoudite: guerre impitoyable dans l'un des pays les plus démunis du monde , le Yemen, et "disparition" d'un opposant de taille après son entrée à l'Ambassade d'Arabie Saoudite à Istamboul .Il est vrai que le méprisable royaume wahabit est le second client de la France pour l'achat de matériels militaires en tout genre.
La Suède et le Canada , pourtant non " patrie des droits de l'homme" ont eu une attitude autrement courageuse que la France.
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Diveli Le Dimanche 14 octobre 2018 10:06
Dans un premier temps, au terme relativement court, il faut bien sûr soutenir les enjeux tels que la réunification, l'autonomie, l'officialisation du breton, l'identité en tant que peuple, la dévolution économique, l'indépendance au final.
Mais à long terme, le futur État breton, qu'il soit capitaliste ou communiste, ou entre les deux, ne saura jamais résoudre des inégalités profondes, ne pourra jamais assurer la vie digne à toute la population, car même avec de plus belles intentions, les politiciens sont intéressés d'abord au pouvoir, les entreprises - d'abord au profit, et non pas à l'environnement.
De ce fait, en Bretagne comme dans le monde, la conclusion logique de tous les combats progressifs: émancipation des peuples, environnement, égalité de genre, de couleur, du travail aux conditions dignes etc. est la société anarchiste, horizontale, sans hiérarchie ni États.
L'anarchie a déjà marché en certaines sociétés, elle marchera dans le monde entier, il suffit de la volonté populaire générale.
Bevet an diren, bevent pobloù ar bed!
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