L'échec évident de la politique linguistique menée par la région Bretagne est la manifestation d'un manque flagrant de volonté politique. Le plus exécrable est ce jeu de dupe que mènent la région et l'Etat français au préjudice des Bretonnes et des Bretons. A la Région, comme du côté de l'Etat, la survie de la langue bretonne ne figure pas au rang des priorités.

Les récents chiffres concernant le nombre d’élèves scolarisés en filière bilingue, qui est tombé sous la barre des 20 000, soulèvent des questions cruciales sur les raisons de cet échec, lourd de conséquences pour la Bretagne. L’importance de cette politique linguistique est évidente pour tous, et pourtant, nous constatons un recul, ce qui remet en question la capacité du pouvoir régional à défendre les intérêts bretons.

Loïg Chesnais-Girard -  photo wikimediaLoïg Chesnais-Girard - photo wikimedia

Dès la signature de la Convention spécifique sur les langues en 2022, nous avions souligné le déséquilibre flagrant entre l’objectif affiché de 30 000 élèves et l’absence d’engagement précis de l’État à former un nombre suffisant d’enseignants déjà en poste. Pourquoi un tel déséquilibre entre l’objectif et les moyens ? Peu après cette signature, l’État a réduit drastiquement le nombre de postes ouverts aux concours d’enseignants du second degré en langue bretonne, manquant ainsi à ses engagements. La région a-t-elle réagi avec véhémence ? Absolument pas.

Dans un cadre contractuel normal, le manquement aux obligations de l’État aurait nécessité une mise au point ferme, voire une dénonciation de la Convention spécifique par la région Bretagne. Comment espérer que l’État avance sur ce terrain lorsque la Région ne réagit pas à ses manquements ? Nos représentants régionaux et leur président, Loïg Chesnais-Girard, sont-ils de piètres négociateurs ? Je ne le crois pas. Ils agissent au strict minimum dans un système politique qui reste hostile à nos langues.

Ambivalence de la politique linguistique

Le Parti Socialiste en Bretagne a toujours été marqué par une ambivalence entre les vieilles lunes jacobines et les bienfaits de la diversité culturelle. Souvenons-nous de Pierre Maille, maire de Brest, qui affirmait qu'il n'y avait rien à faire pour sauver notre langue. Les défenseurs de la langue bretonne et les associations culturelles sont devenus pour ce pouvoir une clientèle, tout comme les enseignants qui votent traditionnellement à gauche. Bien qu'il soit facile d'évoquer des concepts tels que la diversité et l'altérité, il n'est pas dans la mentalité des membres du PS de défendre le peuple breton ni d'associer ces deux termes.

Le rapport Quernez sur l’autonomie n’est qu’un document flou qui ne mentionne pas la seule justification à l’autonomie : l’existence même du peuple breton. Ce n’est pas la diversité qui justifie la survie de la langue bretonne, mais le peuple breton lui-même. Ce n’est pas au nom de la diversité culturelle que l’on apprend le français aux jeunes de ce pays ; pour nous, Bretons, c’est la même chose.

Une situation insupportable

L’ambivalence caractérise la politique linguistique du Parti Socialiste en Bretagne, qui raisonne avant tout en termes de clientèles. D’où ce jeu de rôle insupportable avec l’État français. La Région fait semblant d’agir en proposant des objectifs élevés, qu’elle sait inaccessibles en raison du manque de moyens. L’État fait mine de consentir, mais n’agit pas. Nos élus dénoncent l’État qui a fauté, mais il s’agit là d’une collusion frauduleuse ou d’un jeu de dupes au préjudice des Bretonnes et des Bretons, orchestré par des acteurs d’un même système de pouvoir.

L’avenir de la Bretagne et la mise en œuvre d’une véritable politique linguistique nécessiteront un véritable tremblement de terre. Il faudra briser ce système de pouvoir pour instaurer un pouvoir réellement démocratique, capable d’agir de manière responsable au nom du peuple breton. La marque de la clientèle, c’est la dépendance. Faut-il rappeler que le peuple ne réagit pas vraiment lorsque l’échec est évident ? Le passage sous la barre des 20 000 élèves aurait largement justifié une manifestation publique pour demander des comptes à Loïg Chesnais-Girard sur cet échec. Au lieu de cela, il n’y a eu presque rien.

Aurions-nous baissé les bras ? Aurions-nous oublié que le principe de la Convention spécifique sur les langues a été acquis grâce à la mobilisation populaire des Bonnets rouges ? Les associations bretonnes fonctionnent désormais sur la base de subventions et ne sont plus en mesure d’exiger de la région une autre politique que celle qui nous afflige. Il est toujours tentant d’espérer que de bonnes relations avec la Région porteront leurs fruits.

Quitter le navire

Le Parti Socialiste excelle dans sa capacité à fidéliser des personnalités fortes qui entretiennent la confiance. La seule critique que l’on pourrait formuler à l’encontre de Paul Molac, inattaquable dans ses convictions, serait de légitimer par sa seule présence avec la majorité au Conseil régional, un pouvoir en faute et de le conforter dans son inaction. Cette situation justifierait pleinement qu’il quitte un navire en perdition, comme l'a fait Christian Troadec.

Alors, on me demandera : que feriez-vous à leur place ? Eh bien, dans le respect du droit, j’aurais ouvert une crise politique avec l’État français en refusant d’assumer les charges de construction et d’entretien des locaux des lycées tant qu’un véritable plan de formation des enseignants en place n’est pas mis en œuvre, au même niveau que celui de la Corse. La même pression aurait été mise sur l’enseignement privé qui se trouve aujourd’hui à la dérive complète sur le terrain de l’enseignement bilingue. On appelle ça la volonté politique qui n’a plus cours en Bretagne depuis si longtemps déjà. Si plus personne n’ignore l’échec de la politique linguistique menée par Loïg Chesnais-Girard, sa responsabilité politique mais surtout historique doit être soulignée avec force désormais. S’il a choisi de se taire, il n’échappera pas à sa responsabilité pour autant.

Yvon Ollivier

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