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- Présentation de livre -
Qui est l'ennemi de Jean-Yves Le Drian ?

Qui est l'ennemi ? Pourquoi l'ennemi du moment ? C'est évidemment Daesh. Ce chapitre se veut la raison première du livre. Malheureusement, on reste sur sa faim parce qu’une fois encore

Jean-Louis Le Mée pour JLLM le 18/11/16 10:55

Le livre "Qui est l'ennemi" de Jean-Yves le Drian est sorti aux éditions du Cerf

Qui est l'ennemi ? Pourquoi l'ennemi du moment ? C'est évidemment Daesh. Ce chapitre se veut la raison première du livre. Malheureusement, on reste sur sa faim parce qu’une fois encore le ministre se garde bien de tenter de cerner les origines du danger. Aucune mention n'est faite des accords secrets Sykes-Picot de mai 1916. Deux diplomates, l'un anglais, l'autre français, qui eurent pour tâche de travailler au nom de leurs gouvernements respectifs à la liquidation de l'Empire ottoman. Disons que dans cette affaire, le gouvernement britannique pensait aux réserves pétrolières nouvellement découvertes dans cette zone et le gouvernement français à se tailler une zone d'influence (pour contrer les Britanniques) sous prétexte de défendre les populations chrétiennes du secteur. Il en résulta trois États nouveaux. Le premier, le Liban, sous influence française arraché à la Syrie et avec l'ancien vilayet turc d'Alep peuplé par des chrétiens, des musulmans et des maronites. Le second État, l'actuel Irak, rassembla en fait trois groupes longtemps opposés : des Kurdes au nord, des musulmans sunnites au centre et des musulmans chiites au sud. On avait déjà là l'amorce de conflits futurs sous l'influence des deux puissances régionales montantes : l'Arabie Saoudite sunnite wahhabite (secte rigoriste sunnite) et l'Iran chiite. Quant au nord kurde, il signifiait une source d'instabilité politique grandissante pour la Turquie du sud-est puisque peuplée majoritairement par des Kurdes. Par ailleurs, apparaissait la Palestine dont une partie allait devenir la Jordanie et l'autre le futur Israël. Dans l'affaire, les Arabes à qui on avait promis monts et merveilles étaient dupés.

Or, l'une des ambitions premières de Daesh, selon son leader Abou Bakr El Baghdadi, est de remettre radicalement en cause ces accords Sykes-Picot en s'appuyant sur la conception originelle de l'Islam : l'Umma. Celle-ci se définit comme la communauté des croyants qui va au-delà des États et des particularismes locaux avec comme corollaire la négation d'une quelconque légitimité pour les États constitués ou à venir. Cette communauté des croyants se place sous le leadership du Califat et ne peut avoir comme objectif final que la “conversion du monde” et la destruction de ceux qui seraient tentés de s'y opposer. Ces derniers sont jugés d'emblée comme des “mécréants” et ne peuvent qu'être éliminés. On partagera donc l'avis du ministre dans son jugement sur Daesh vu comme une secte apocalyptique. Par contre, la définir aussi comme un État ou un crypto-état est une erreur manifeste. Par essence, Daesh a une vocation universelle d'où la provenance multiethnique et multigéographique de ses combattants.

S'ajoutent, aux yeux de Daesh, d'autres raisons liées aux agissements propres à certains pays, pour justifier sa guerre contre ces mêmes pays. Et là, la France se retrouve en première ligne du fait qu'elle a sur son sol un important contingent de l'Umma. Son cas se trouve aggravé par l'affaire Charlie Hebdo (caricaturer Allah, cela serait lutter pour la liberté d'opinion), par le vote de lois vues comme s'attaquant directement à l'Umma : lois sur le voile, ghettoïsation supposée de populations musulmanes, lois sur la laïcité… La présence des forces armées françaises au Sahel (opération Serval puis Barkhane), sa présence durant un temps en Afghanistan dans le contingent mené par les Américains (même si plus objectivement, le mouvement Taliban ressort de la lutte nationaliste mêlée à la défense de l'Islam), autant de faits qui font qu’aux yeux de Daesh, l'agresseur c’est la France. Les rôles sont donc inversés et toute action entreprise contre ces “agresseurs” est donc légitime. En s'inscrivant dans cette vision des choses, les actions terroristes menées par des ressortissants de nationalité française (ou belge ou de tout autre pays) ne peuvent être que glorifiées puisque seule compte leur appartenance à l'Umma et plus encore leur qualité de “martyrs” puisque combattants corps et âme au service du Califat. On comprend donc l'inanité du débat sur la déchéance ou non de nationalité qui a tant échauffé les esprits ici. Contrairement aux croyances si ancrées en France, les “valeurs de la République” ne sont pas des valeurs universelles aux yeux d'une partie du monde. Qu'on le veuille ou non, l'objectivité oblige à reconnaître que coexistent à ce jour dans le monde plusieurs systèmes de “valeurs universelles” (2). Le reconnaître permettrait sans doute de mieux appréhender l'avenir. Les diplomates le font d'ailleurs.

Toujours sur les causes profondes de l'apparition de Daesh, rien n'est dit à propos des relations plus qu’ambiguës entretenues par le gouvernement de Hollande avec un pays qui est loin de pratiquer “les valeurs universelles”. Ce pays, c'est l'Arabie Saoudite. Outre ses méthodes moyenâgeuses de répression, ce pays, basé sur l'alliance d'une conception archaïque de l'Islam (le Wahhabisme) avec une dynastie monarchique qui a alimenté en sous-main depuis des années le djihadisme takfiriste précisément dénoncé par Jean-Yves Le Drian dans son opuscule (p. 35). Or, la France a cru bon de donner la Légion d'Honneur au ministre de l'Intérieur saoudien et lui vend à tire-larigot les armements les plus sophistiqués. La Suède, qui certes n'a pas “inventé les Droits de l'Homme” a tout simplement retiré son ambassadeur de ce pays pour ne pas cautionner ses agissements moyenâgeux. Il y a donc loin entre les paroles et les actes pour le gouvernement dont notre président régional est l'un des piliers.

Le dernier chapitre

Ce chapitre de “Qui est l'ennemi ?” pêche à vrai dire par un certain cafouillage, et l'affirmation faite par l'auteur qu'un pays “est indestructible parce qu'il est le fruit d'une adhésion générale librement consentie” ressemble trop à la réponse de Renan sur l'interrogation “qu'est ce qu'une nation ?”. L'Hexagone ne se trouve plus dans les conditions observées à la fin du XIXe siècle. Le monde actuel se trouve de plus en plus multipolaire avec des peuples et des États qui se sont libérés de la dominance d'un occident triomphant. Une Europe renforcée doit constituer notre premier “monde” enrichie par le respect de ses entités et ses peuples “premiers”. Lutter contre Daesh pour conserver notre vision du monde et d'une société selon nos goûts, sans forcément les imposer à d'autres “mondes”. La vision franco-française des choses est vouée à l'échec. En se référant à la puissance militaire, il convient aussi de se rappeler qu'une défense pertinente de l'Europe ne pourra se passer de la puissance militaire britannique qui, à elle seule, représente 50 % des forces européennes. Nous, Bretons, devons être d'autant plus sensibles à cette évidence que nous avons dû notre salut, il y a deux générations (l'avons-nous oublié ?) à la ténacité de ces “Grands Voisins”.

Jean-Louis Le Mée

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Cet article a fait l'objet de 1519 lectures.
Vos 1 commentaires
Didier Lebars Le Dimanche 20 novembre 2016 17:52
Selon Serge Dassault, le Drian est le meilleur ministre de la défense de la 5ième
république.
Il est le premier à vendre le Rafale, son caractère humble fait merveille par contraste avec l'arrogance française. Le Drian rapporte du concret en trébuchant.
Pourquoi l'emploie systématique de l'acronyme arabe Daech pour ISIS ou EI ? Paris emploie plutot les termes français d'habitude.
Ce bouquin doit d'abord ne pas facher les clients. Les vrais ennemis de Le Drian sont les concurrents commerciaux.
Quant aux concurrents electoraux il n'en a plus. Même Juppé a évoqué la possibilité de le reprendre.
Au niveau diplomatique, l'article oublit le puissant voisin Turque. C'est par la force que la révolution Kemaliste a imposé le traité de Lausanne et mis aux oubliettes le Kurdistan.
Tout est lié. Suite au Brexit, pourquoi ne pas parler des relations UK-Turquie ? 50% ? On sous-estime les anglais. Lors de WII, les turcs ont eu pour principe de jamais se mettre dans le camps opposé aux anglais. Ils avaient déjà des accords hors EU avec la Turquie. Le rapport de force a basculé, Erdogan ne demande plus l'adhésion à EU, il faudra maintenant lui faire des propositions.
La reine d'Angleterre a déjà invité Trump. Les grandes manoeuvres.
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