Elus locaux et professionnels de la filière photovoltaïque plaident, dans une tribune au « Monde », contre la « fausse évidence » d’une concentration des équipements solaires dans les régions méridionales et préconisent une régionalisation des procédures. 06.06.2018
Tribune. Actuellement débattu dans le cadre des débats sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), l’avenir de l’énergie solaire dépendra de notre capacité à développer les projets de façon harmonieuse dans tous les territoires – et pas uniquement dans les régions du sud où ils paraissent plus rentables – grâce à des procédures régionalisées.
Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique et solidaire, souhaite accélérer le développement de l’énergie solaire en France. Il a pour cela demandé à Sébastien Lecornu, son secrétaire d’Etat, de piloter un groupe de travail spécifique composé d’industriels, de professionnels du bâtiment, de collectivités locales, d’agriculteurs, d’associations citoyennes… Ce groupe montre, par le nombre et la diversité de ses participants, combien la société dans son ensemble est prête à se mobiliser dans cet objectif.
Parmi les orientations discutées lors des premières réunions, l’enjeu d’une répartition équilibrée des équipements de production entre tous les territoires a rapidement fait consensus et doit être intégré dans l’évolution attendue de la réglementation. Toutes les études de gisement réalisées par les collectivités locales dans le cadre de leurs Plans climat air énergie territoriaux (PCAET) le montrent : le solaire photovoltaïque est incontournable dans l’approvisionnement énergétique de demain.
Evitons de reproduire l’erreur de l’Allemagne
Que l’on habite au nord ou au sud du pays, la ressource solaire est partout présente, dans des proportions variables, et partout elle sera de plus en plus nécessaire pour fournir sur place une électricité verte, de moins en moins coûteuse et pouvant être produite par tout un chacun, du particulier au grand groupe énergétique en passant par la coopérative citoyenne, la collectivité locale et l’agriculteur.
Pourtant, la France a mis en place depuis 2010 un encadrement très contraignant avec l’objectif de limiter le poids financier du soutien à la filière photovoltaïque sur le portefeuille des consommateurs. Il a agi ainsi en réaction à une bulle spéculative qui s’était formée à cause d’un tarif d’achat en guichet ouvert précédemment trop élevé.
Or, ce mécanisme aboutit à une très forte concentration des projets dans la moitié sud de la France, au point de saturer les réseaux électriques et d’alimenter une spéculation délétère sur le foncier disponible. Evitons de reproduire l’erreur de l’Allemagne qui, en concentrant l’essentiel de la capacité de production éolienne au nord, a dû renforcer considérablement son réseau de transport au prix d’un investissement considérable !
Ce mécanisme met également en concurrence les territoires. Au nord, les opérateurs locaux qui ne manquent ni de place ni de bonne volonté se voient interdire toute possibilité d’apporter leur pierre à ce volet incontournable de la transition énergétique qui sera bientôt rendu obligatoire pour la construction des bâtiments neufs.
Discrimination territoriale
Lors du dernier appel d’offres pour des installations photovoltaïques de 100 kilowatts-crête (kWc, unité de mesure de la puissance d’une installation photovoltaïque) à 8 mégawatts-crête (MWc) sur bâtiments, seul 0,5 % de la puissance totale a par exemple été allouée à l’Ile-de-France, la Normandie et les Hauts-de-France. Et rien en Bretagne !
D’aucuns pourraient être tentés de parler de discrimination territoriale… A ce régime, comment va faire la Ville de Paris pour atteindre son objectif de 100 % renouvelable et 20 % des toits équipés en solaire en 2050 ? La région des Hauts-de-France, qui vise ce même objectif de 100 % renouvelable, est-elle d’ores et déjà hors jeu ?
Pourtant, la solution à ce problème est simple et bien connue : dans une logique d’aménagement et d’égalité entre territoires autant que d’efficacité des politiques publiques, il faut régionaliser les procédures en payant l’électricité produite un peu plus cher au nord qu’au sud, aussi bien pour les tarifs d’achat que pour les appels d’offres, et relever le seuil à 500 kWc pour le passage de l’un à l’autre (contre 100 kWc aujourd’hui) comme la Commission européenne l’autorise, de façon à permettre à toutes les catégories d’opérateurs de trouver leur place et de tirer des bénéfices légitimes et raisonnables de leurs investissements.
Cette entorse à une rationalité en trompe l’œil, qui voudrait réserver le solaire photovoltaïque au pourtour méditerranéen, n’a rien d’original. Elle existe de longue date pour l’éolien sans que personne n’y trouve à redire. Le mécanisme en place depuis 2002 garantit, à travers une modulation du tarif d’achat, une rentabilité équivalente à tous les sites, qu’ils soient très, moyennement ou peu ventés. Pourquoi cette logique ne vaudrait-elle pas pour le solaire photovoltaïque ? Elle est la condition de sa massification !
Ce communiqué est paru sur Le blog de paul Molac