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Ni droite ni gauche
Ni droite ni gauche
- Chronique -
Ni gauche ni droite ?
Vladimir Poutine, Barack Obama, Xi Jinping, Hassan Rohani… Ces dirigeants de grandes puissances sont-ils de droite ou de gauche ? Djihadistes contre résistants kurdes… Qui est de droite, qui est
Par Jean-Pierre Le Mat pour JPLM le 1/11/14 18:27

Vladimir Poutine, Barack Obama, Xi Jinping, Hassan Rohani… Ces dirigeants de grandes puissances sont-ils de droite ou de gauche ? Djihadistes contre résistants kurdes… Qui est de droite, qui est de gauche ? Ces questions nous font sourire, car elles ne veulent rien dire. L'alternative droite-gauche ne permet pas de comprendre les stratégies, ni les grands événements qui secouent la planète.

Autrefois, le slogan "Ni droite ni gauche" était considéré comme un camouflage de l'extrême droite. Au temps de la Guerre froide, les catégories droite-gauche semblaient universelles. D'un côté les pays socialistes, de l'autre les pays capitalistes. Les pays "non-alignés" étaient vus comme des opportunistes. Aujourd'hui, le clivage droite-gauche ne conserve sa force que dans les pays de tradition catholique, en Europe et en Amérique du Sud. C'est le cas en France.

Il y a, chez les Bonnets rouges, des femmes et des hommes qui se revendiquent de droite ou de gauche. Mais il y en a beaucoup qui ne se reconnaissent plus dans ces clivages, et qui n'ont aucune envie d'y entrer. Ce sont eux qui ont été le ciment du mouvement. Ils nous indiquent, parfois inconsciemment, la direction à suivre.

Pourquoi cette indifférence ou ce rejet des catégories politiques traditionnelles ? Droite et gauche sont les références politiques parce que la question de la protection sociale est devenue centrale, tout comme le "salut" est une promesse centrale dans la tradition catholique. Protection individuelle, par les biens accumulés et le mérite, pour la droite. Protection collective, par les institutions sociales et la redistribution des richesses, pour la gauche. Ceux qui bénéficient de la meilleure protection sont les riches d'un côté, les fonctionnaires de l'autre. Stigmatiser l'une de ces catégories est un marqueur politique.

Les Bonnets Rouges n'expriment pas de ranc½ur envers les riches, ni d'animosité envers les fonctionnaires, ce qui crée une ambiance particulière. Le terme "apolitique", parfois utilisé, signifie un refus de l'alternative droite-gauche, tout en revendiquant néanmoins une action de type politique ou syndical. Ce refus va de pair avec la certitude que la protection sociale ne pourra plus être garantie dans l'avenir, ni par une fortune personnelle, ni par l'État-providence. Les protégés actuels ne sont pas jalousés, car ils ne représentent plus un idéal. En revanche, dans les comités, la question de l'emploi et celle de l'identité bretonne sont centrales. Ces préoccupations ne sont pas liées à un désir de protection, mais à un sens à donner à sa vie, individuellement et dans le cadre collectif de la Bretagne.

Compte tenu de leur prise de distance envers la droite et la gauche, vers où peuvent se diriger les Bonnets Rouges ? Leur scepticisme est un handicap dans le cadre politique actuel. Vont-ils basculer dans une sorte de trou noir, hors des chemins de l'Histoire ? Je suis persuadé du contraire. La capacité à vivre dans un environnement non protecteur crée une bifurcation dans notre histoire. Elle annonce une révolution qui remet en cause à la fois la société de consommation et l'État-providence. Les précaires en sont l'avant-garde. Ils veulent autre chose qu'une protection à laquelle ils ne croient plus.

Tant que la protection restera une préoccupation majeure, le dilemme droite-gauche se maintiendra. En revanche, si la participation de tous à l'activité économique et le droit à l'identité deviennent des questions centrales, la façon d'aborder la politique en Bretagne évoluera.

Ni droite ni gauche. Le vieux slogan maudit pourrait devenir celui d'une transformation de la société ; les Bonnets Rouges bretons en auront été les précurseurs.

Jean Pierre LE MAT

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