- Chronique -
Un colloque de plus à la région Bretagne : Pérorer pour masquer l'indigence de la politique linguistique ?
En matière de politique linguistique régionale, la parlote a pris le pas sur les actes. Le bilan est catastrophique en Bretagne au regard de ce qui se fait ailleurs. Et on refuse de tirer le bilan de cet échec pour modifier les politiques qui ont échoué. Alors à quoi bon un colloque s'il ne s'agit que de refuser d'affronter l'échec ? La vraie question est : y a t-il une volonté politique de sauver nos langues ? Si on voulait les mettre à mort sans dommage, on ne s'y prendrait pas mieux...
Par Yvon Ollivier pour Yvon Ollivier le 23/10/19 8:40

Dans quelques jours se tiendra dans les locaux du Conseil régional de Bretagne un colloque sur l’avenir des langues minoritaires, dont certaines sont en grave danger, comme les nôtres !

Nous avons toujours besoin de penser globalement ce problème récurrent et d’échanger avec ceux qui, ailleurs, prennent en charge la défense des langues minoritaires, comme avec les plus grands spécialistes de ces questions.

Je m’interroge simplement sur la manière de penser la co-organisation d’un tel colloque par le Conseil régional de Bretagne alors même que cette collectivité est la principale responsable de l’indigence des politiques mises en œuvre au soutien de nos langues, et ce depuis des années.

lettre à ceux qui ont renoncé à la Bretagne

Quel crédit peut avoir la Région, alors même qu’elle ne dépense pas 1% de son budget à la politique linguistique et qu’entre 3 et 5 % de nos enfants seulement bénéficient d’un enseignement en classe bilingue, contre plus de 50% désormais pour les jeunes Basques du nord ? Les derniers chiffres présentés avantageusement lors de cette dernière rentrée scolaire, traduisent, à nouveau, une situation alarmante.

Le bilan est indéfendable lorsque l’on sait que la même majorité politique gouverne la région depuis quinze ans. Combien de siècles nous faudra-t-il pour rattraper nos amis basques, corses, alsaciens et combien de générations sacrifiées ?

Il y a une spécificité bretonne dans l’échec en cette matière et il serait temps de l’affronter pour rectifier le tir.

La sagesse ne commanderait-elle pas d’agir d’abord en Bretagne, eu égard à l’importance capitale de cette question pour nous Bretons, avant que de communiquer via l’organisation d’un colloque sur les bienfaits de nos langues et la manière de les sauver ?

Je le dis, sans nier l’investissement de ceux qui se sont impliqués dans l’organisation de ce colloque, car nous savons que, trop souvent, la parole tient lieu d’acte. Il suffit de communiquer, de claironner au grand public, pour faire oublier que l’on agit peu, pas du tout ou très mal.

C’est une tendance lourde de nos sociétés.

A la question, comment sauver nos langues, qui doit être l’essence de ce colloque, j’ai une réponse qui me semble être de bons sens :

Mettre en place une vraie politique linguistique avec comme objectif clair et assumé la généralisation de l’enseignement bilingue à l’ensemble de nos enfants !

Multiplier par dix le budget actuel consacré à ces questions soit 70 millions d’euro au lieu de 7 millions. Nous n’avons pas assez d’argent ? Il est permis d’emprunter sur une question aussi importante. Les efforts budgétaires imposés aux Bretons depuis quelques années n’ont d’autre effet que de permettre à Paris de dépenser plus.

Créer au sein de chaque université bretonne une licence d’enseignement bi et tri lingue et intensifier le soutien financier aux futurs enseignants pour rendre ce métier réellement attractif. Les étudiants seront nombreux à y aller s’ils sentent une réelle volonté de progrès.

Introduire l’anglais au plus tôt dans le cadre de l’enseignement bilingue pour répondre à la demande légitime des parents et éviter que le développement de l’enseignement bilingue francais /anglais ne vienne à terme réduire à peau de chagrin l’enseignement de nos langues.

Et si une politique aussi ambitieuse ne pouvait être mise en œuvre, en raison de blocages institutionnels, mettre en place un rapport de force politique avec l’Etat français. L’argument consistant à se défausser sur l’Etat n’est plus recevable. Nos élus du Conseil régional ont une obligation de résultat en la matière.

Et après seulement, claironner, communiquer, chanter même, si le cœur leur en dit, les bienfaits du multilinguisme et réfléchir à la situation globale, voire même à celle des langues minoritaires au Bantoustan.

Si pour les autres langues minoritaires, un pouvoir breton ne peut faire grand-chose, il n’en va pas de même pour nos langues dont la sauvegarde doit devenir la priorité politique de la Région. On en est très loin.

Et si j’osais ? J’interpellerais de la manière la plus solennelle ceux qui, au Conseil régional, n’ont d’autre rôle que de donner « une couleur régionaliste » à un pouvoir local qui a renoncé à la Bretagne.

Je connais leur engagement et leur sincérité au service de la Bretagne. On ne saurait en douter. Simplement, je leur dirais qu’il n’est plus possible aujourd’hui de donner une caution bretonne à des gens qui n’en ont rien à faire de nos histoires et ne songent qu’à se maintenir au pouvoir car il en va de leur métier. D’ailleurs, ils ne voient même pas le problème. Ils vivent dans un monde « parisianisé » où la Bretagne est secondaire.

Je leur demanderais d’exiger que la sauvegarde de nos langues devienne la priorité politique du pouvoir, que ce pouvoir régional s’engage à la traduire dans les actes, et à défaut qu’ils démissionnent avec fracas. Pour une raison simple. Il est des moments où l’engagement devient compromission, lorsque celui avec qui on s’engage a renoncé à ce qui nous tient le plus à cœur. Et cessons de tromper les Bretons en leur faisant croire que tout va pour le mieux, que nous allons sauver nos langues…

Mesdames, Messieurs les conseillers régionaux, démissionnez s’il le faut ! Trop souvent dans l’histoire, nous avons été les complices de notre asservissement. Mettons un terme à ces pratiques.

Et si nos quelques « régionalistes » de la Région agissaient de la sorte, je mets ma main à couper que le président de la Région en tirerait toutes les conséquences et mettrait un terme à l’indigence.

Plus que jamais, le système actuel, que nous dénonçons, ne repose que sur notre compromission.

Yvon Ollivier

auteur

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logo Yvon OLLIVIER est juriste, auteur de l'ouvrage "la désunion française essai sur l'altérité au sein de la République" ed l'harmattan 2012 et membre de la coordination des juristes de Bretagne blog associé desunion-francaise.over-blog.com
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Vos 9 commentaires
Muzellec Alain Le Mercredi 23 octobre 2019 09:15
C'est bien d critiquer les institutions, mais combien de bretonnants entend-on converser dans les commerces, combien même dans les associations culturelles bretonnes. Heureusement qu'il y a les radios. Les bretons ont, hélas, abandonné leur langue sans qu'un Franco ou un Staline les y oblige. C'est la préférence, la simplicité, l'utilité, et l'intérêt matériel qui les y ont poussé.
Il faut enfin revenir à la conscience qu'une langue est un outil de vie dans une communauté, et que contrairement au dicton, "hep Breizh, brezhoneg ebet". Il faut que les bretons et la Bretagne vivent économiquement et politiquement. La vision "ethnologique" qu'en ont nos culturels n'est que minoritaire. Le gaélique n'est guère parlé en Écosse ni en Irlande qui affirment pourtant haut leur existence. Primum vivere, deinde philosofare!.
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Iffig Cochevelou Le Mercredi 23 octobre 2019 10:53
Ce qui semble t'échapper, Yvon, c'est que ce ne sont pas les listes bretonnes qui ont été élues au CRB4. Ces listes n'ont même pas pu obtenir un siège ! Alors on mérite ce que l'on a , et cela pourrait être encore pire !. On est ni en Ecosse , ni même en Corse. Ces derniers , malgré une majorité nationaliste a leur assemblée , n'arrivent pas à faire bouger l'Etat français. Continuer à brasser du vent ne sert pas à grand chose : tentons une réussite aux prochaines régionales, mais après ce que j'ai entendu à Carhaix , on n'est pas prêt d'y arriver !
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Emmanuel Morucci Le Mercredi 23 octobre 2019 19:36
Avis partagé.
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Laer-nozh Le Jeudi 24 octobre 2019 09:45
« Je connais leur engagement et leur sincérité au service de la Bretagne. »
Que serait donc l’état de la Bretagne sans le niveau, le volume, la qualité, l’intelligence et la détermination farouche de changement dont ils ont fait preuves, eux et tous leurs prédécesseurs, en constatant et vivant les conséquences induites et bénéfiques en « tous domaines » sur la situation bretonne.
L’état du Monde semble bien nous indiquer que « ces valeurs et qualités » sont, pour le coup, u-ni-ver-selles ! Quelle chance d’avoir de tels « représentants » ! Tous les sexes confondus.
Ils sont sans doute faits à notre image, celle d'un peuple qui a donc les politiciens qu'elle mérite. Des vainqueurs!
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Colette Trublet Le Jeudi 24 octobre 2019 10:13
Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, Monsieur OLLIVIER. Dans ma famille, originaire de Haute Bretagne-Vallée de la Rance - qui a parlé breton jusqu'au 12ème - 13ème siècle- nous avons mes deux filles et moi appris le Breton lors de crash cours répétitifs. Faute d'un environnement bretonnant j'ai appris - oublié - re appris - re oublié - durant des années. MAIS mes filles parlent Breton et mes trois petits enfants le parle couramment jusqu'à, pour l'une devenir enseignante à Diwan. Merci Diwan, skol an emsav, et toutes les structures qui se démènent sans se fatiguer pour faire avancer notre cause. Je garde toute ma gratitude à Lena Louarn et à ofis ar brezhoneg. Cette tenacité têtue qui se poursuit au fil de générations successives tissent une toile de fond qui, sans bruit, regagne les terrains perdus. Je voudrais aussi dire aux bretonnants de souche qu'ils devraient se faire un devoir d'accompagner les efforts de tous les Bretons qui essaient de parler breton au delà de la frontière linguistique qui nous a séparés les uns des autres. Mais notre culture celtique commune reste très présente et active, consciemment ou non. Continuons, restons têtus, et pacifiques. Le sens de l'histoire nous est favorable. Les excès de la mondialisation renvoient chaque peuple à sa localisation. Profitons-en. Continuons avec toutes les associations et organisations qui, bien qu'éparpillées font du bon travail. Le moment va venir où nous allons nous rendre compte que nous sommes prèts pour la réunification et pour la réorganisation de notre pays. Les idées fusent partout. Les petits ruisseaux font les grandes rivières... A galon. Colette Trublet
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Didier Lebars Le Jeudi 24 octobre 2019 19:49
Depuis toujours les langues ont ete transmises gratuitement sans aucune organisation administrative. La science sait qu une langue se transmet des la naissance, sans travail, livre ou devoir, et de plus en plus difficilement ensuite.
La science est appliquee dans le microcosme parisien. La maternelle privee haut de gamme unilingue anglophone. Je connais une personne qui a parle une langue avec sa mere jusqu a 5 ans. Puis une interruption totale de 8 ans avant de s apercevoir qu elle parlait parfaitement cette langue.
L Universite n est que le sommet de la pyramide, la fondation se construit en petite enfance.
La solution passe par le Mammouth ? Il y a quelques mois j ai pu mesurer l efficacite. A la gare routiere de Rennes, autour d un bus vers Paris, pas une personne n a pu dialoguer et aider une touriste roumaine.
Hors interet individuel economique (le petit ruisseau) je ne vois pas de futur. Decentralisation et le reste suivra. Un basque a le plus haut PIB/Hab d Espagne et avec 95% d autonomie budgetaire. 1% en Bretagne.
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Pierre-jean cosquer Le Vendredi 25 octobre 2019 23:37
Mr Alain Muzellec... skrivet eo ganeoc'h " Il faut que les bretons et la Bretagne vivent économiquement et politiquement" 'na zo gwir penn da benn! Ha c'hwi vat a soñj e vo ur pouez politikel bennak da Vreizh a-boan kouezhet ar brezhoneg d'an traoñ?... ar sevenadurioù a zo ar yezhoù o nerzh pennañ a dall ouzh an unvanadur... A-hend-all ez eus tud a gav dezho ez eo reizh ha naturel mirout bev hor yezh gozh!
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Milena Krebs Le Samedi 26 octobre 2019 19:04
La convergence des luttes sociales, linguistiques, féministes, environnementales, solidaires est en panne en Bretagne : seuls les gilets jaunes sont encore, par endroits, capables de mobiliser. Il est temps de voir que quand on se retrouve à Donostia 50 000 à manifester pour les Catalans, que les Anglais sont un million à Londres, que les Libanais sont un million à Beyrouth avec 4 millions d'habitants, nous continuons à être un nain politique. Seul un nouveau parti, faisant table rase des querelles intestines débilitantes des dernières années, dressant un programme cohérent et partagé, avec un média indépendant, pourra faire avancer les choses...
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Laer-nozh Le Dimanche 27 octobre 2019 09:01
« La convergence des luttes sociales, linguistiques, féministes, environnementales, solidaires est en panne en Bretagne… »
Voilà le cocktail de tous les vaccins cumulés qui, injecté depuis longtemps par des charlatans, de l’extérieur dans un corps malade et affaibli qui, s’il ne l’achève pas, le laissera à jamais méconnaissable.
Que cette vaccination soit en panne en BRETAGNE serait une excellente nouvelle, si cela n’était pas faux, mais les médecins « à la Molière », ne savent plus s’arrêter quand ils saignent, et/ou empoisonnent ! Ce n’est jamais assez, suffisant !
La BRETAGNE n’a « pratiquement » plus de défenses immunitaires ! Elle est déjà méconnaissable, décharnée ! Elle existe encore faiblement dans des souvenirs évanescents, de plus en plus, des quelques personnes qui les racontent, les chantent, les écrivent et les jouent !
Ses toutes dernières chances, à la BRETAGNE, résident dans une concentration totalement égoïste sur elle-même. Définir, ou redéfinir ce qu’elle veut être et s’en donner les moyens ! Mais en a-t-elle encore les ressources humaines propres, indispensables, clairvoyantes et motivées ?
S’il lui reste encore un « instinct » de survie, peut-être. Sinon elle ne sera plus, et cela dans peu de temps maintenant, et définitivement qu’une "bretagne" empaillée ! Et « Dieu » sait si en BRETAGNE combien de taxidermistes sont à l’œuvre !
Une image sépia et lointaine, brouillée et disparue… Et des pleureurs et pleureuses.
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