Publié le 2/03/22 2:21 -- mis à jour le 03/03/22 09:30
Pour l’instant, rien ne se passe comme prévu pour Vladimir Poutine. Au moment où il a lancé sa grande offensive contre l’Ukraine, il comptait sur une capacité de résistance limitée pour une armée inférieure, sur la fuite rapide vers l’étranger d’un Président directement ciblé par ses agents de l’ex-KGB, sur une indignation internationale sans lendemain, et sur la capitulation rapide d’un état-major ukrainien débordé. Mais le scénario de ce début de conflit a été bien différent. Est-ce que cela sera suffisant pour changer la fin du film ?
Vladimir Poutine n’a pas caché ses intentions, faisant du renversement du régime ukrainien et du remplacement de l’actuel Président par un clone du dirigeant biélorusse Loukachenko le but à atteindre. Mais, après une semaine de conflit, la résistance ukrainienne est parvenue à enrayer la dynamique de l’invasion russe. Même s’il est difficile de faire la part entre propagande et réalité, il semble d’ores et déjà acquis que l’avancée de l’armée russe se heurte à des obstacles majeurs.
Le premier d’entre eux est que la suprématie des armements aériens, notamment les missiles balistiques tirés depuis la Russie pour détruire des équipements stratégiques tels que les défenses anti-aériennes, les barrages militaires et les réserves en armements ou en carburants, ne suffisent pas à ouvrir la route de Kiev et des autres grandes villes ukrainiennes aux armées russes.
Le front à l’est, renforcé depuis la sécession d’une partie des provinces du Donbass, a jusqu’ici tenu bon. L’appui de la flotte russe en Mer Noire a donné plus de succès à l’invasion venue de Crimée, mais la progression des armées russes n’a pas (encore ?) réussi à faire basculer les grands centres comme le port de Marioupol.
Au Nord, depuis la Biélorussie, les troupes russes ont ouvert plusieurs fronts pour prendre en étau les deux plus grandes villes du pays, à Kharkiv et Kiev, sans rencontrer les succès escomptés. Des combats ont lieu, et les images de blindés russes détruits et abandonnés sur plusieurs champs de bataille montrent que l’issue des armes est loin d’être à sens unique. Chaque jour gagné par la résistance ukrainienne, qui associe armée régulière et milices civiles déterminées, rend plus compliquée la démarche politique et militaire de Vladimir Poutine. Il s’est aliéné une bonne moitié de la planète désormais engagée aux côtés de la résistance ukrainienne de façon plus résolue qu’attendu, soutien qui va crescendo au fur et à mesure que l’on observe les difficultés rencontrées par l’envahisseur, tandis que l’opinion internationale s’enflamme pour soutenir le peuple ukrainien.
Cet engagement se constate d’abord en Europe, a contrario des prévisions cyniques d’un président russe adepte de la loi du fait accompli. Ses déclarations témoignent de sa surprise face à la bronca provoquée par la justification pseudo-historique de l’invasion, avancée lors du déclenchement des hostilités, puis du fait de l’échec de l’intimidation diplomatique commencée par un vigoureux « attention à ne pas franchir le point de non-retour », suivi désormais par une menace explicite de mettre en alerte des moyens nucléaires dont l’armée russe est largement dotée. Cette surenchère déclarative est pour l’instant contre-productive et l’on constate au contraire que les tabous diplomatiques vis-à-vis d’un soutien direct à l’armée ukrainienne sont repoussés les uns après les autres, en Allemagne notamment, et aussi en Suède ou en Italie. Livraisons massives en armements décisifs comme des missiles anti-chars, en armes légères, et d’autres moyens essentiels comme des renseignements satellitaires, de lutte contre le piratage informatique, ainsi que le ravitaillement en carburant pour compenser l’effet des destructions par missiles des dépôts ukrainiens : l’Europe s’est engagée bien au-delà de ce qui était attendu par Vladimir Poutine.
Ce basculement appuyé ouvertement par la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen se double d’une politique de sanctions économiques dont les effets seront considérables pour l’économie russe, notamment sur le plan financier. Certes, les effets de telles mesures sont de long terme, et nous n’en sommes qu’au cinquième jour depuis le début de l’agression militaire. Mais cela joue incontestablement sur le moral du peuple ukrainien qui s’est engagé dans une résistance très déterminée, à l’image de son Président Zelinski dont le courage, alors qu’il se sait visé directement par l’état-major russe, a un effet contagieux sur ses concitoyens.
L’irritation de Vladimir Poutine est palpable lors de chacune de ses interventions. Les soutiens qu’il s’était assurés avant le déclenchement du conflit, comme la Chine ou la Turquie, se tirent ostensiblement en arrière et attendent de voir comment les choses évolueront. En cas d’enlisement, il sera de plus en plus isolé sur la scène internationale et les sanctions décidées feront alors beaucoup d’effet sur l’économie de la Russie où se manifeste par ailleurs un sentiment anti-guerre plus fort que prévu, malgré une répression à l’efficacité redoutable.
Cela pourrait-il conduire à un cessez-le-feu et à des pourparlers en vue d’une paix dont Poutine serait finalement perdant ? Ou au contraire à une fuite en avant qui sera catastrophique pour l’Ukraine, mais aussi ruineuse pour la Russie, économiquement comme diplomatiquement ? Tout dépendra en fait de la capacité de résistance des Ukrainiens durant les semaines à venir.
Ce communiqué est paru sur François Alfonsi
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Kiev n'a rien fait non plus. Au contraire même.
Et les USA étaient et sont là qui intriguent. Facile, l'Ukraine et le reste de l'Europe sont sous son influence.
Il est vrai aussi que du temps de l'union soviétique des populations russes de l'Etat central ont été déplacées dans les républiques soviétiques pour prévenir les rébellions... De nouveaux accords sont souhaitables mais Poutine va-t-il vouloir y croire.
Le sang coule.