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- Dépêche -
Reconstitution de la bataille d'Austerlitz
Samedi 1er décembre, alors que les habitants des cinq départements bretons vaquaient à leurs diverses occupations, un spectacle étonnant, presque surréaliste, se déroulait en plein centre de la Bretagne, en bordure de la forêt de Paimpont, dans laquelle certains veulent voir l'antique Brocéliande. Comme chaque année à pareille date,
Bernard Le Nail pour ABP le 2/12/07 21:23

Samedi 1er décembre, alors que les habitants des cinq départements bretons vaquaient à leurs diverses occupations, un spectacle étonnant, presque surréaliste, se déroulait en plein centre de la Bretagne, en bordure de la forêt de Paimpont, dans laquelle certains veulent voir l'antique Brocéliande. Comme chaque année à pareille date, quelque 800 jeunes gens déguisés, les uns en grognards de la Grande Armée de Napoléon, les autres en soldats russes et autrichiens, ont pendant près de deux heures reconstitué à échelle réduite la bataille d'Austerlitz devant un public ravi composé de militaires et de leurs familles, d'élèves des classes préparatoires aux écoles militaires et d'autres proches du monde de l'armée. Sous un beau soleil et par une température clémente, quelque 2 000 personnes ont vu évoluer sur la lande bretonne des figurants pleins d'énergie et d'enthousiasme au milieu de pétarades et de fumigènes, avec en prime une charge de cavalerie à laquelle participaient une trentaine de cavaliers. Un récitant décrivait les grands moments de la bataille, interrompu de temps à autre par des airs de musique militaire, avant qu'un faux Napoléon ne déclame une nouvelle fois le discours adressé par le petit Corse à ses soldats victorieux à la fin de la bataille.

Depuis 1956, c'est une tradition à Coëtquidan : chaque année aux alentours du 2 décembre, les élèves reconstituent la fameuse bataille dite "des trois empereurs", puisqu'elle opposa le 2 décembre 1805 la Grande Armée de Napoléon, alors réduite à 73 000 hommes, aux armées coalisées du tsar Alexandre de Russie et de l'empereur François 1et d'Autriche qui alignaient ensemble 85 000 hommes. Elle se déroula à 8 km de Brno, ville de la Républiqu tchèque aujourd'hui jumelée avec Rennes, et fut, comme toutes les grandes batailles, une horrible boucherie puisque les coalisés laissèrent 16 000 morts sur le terrain, contre seulement 1 305 tués du côté français. Cette victoire inespérée, due manifestement au génie manœuvrier de Napoléon, consolida son pouvoir pour plusieurs années.

Cette reconstitution annuelle a l'allure d'une fête "familiale" et, manifestement, les participants ne se prennent pas trop au sérieux. Ils ont beau se destiner à une carrière d'officiers, la plupart d'entre eux ont entre 20 et 24 ans et sont comme les autres jeunes gens de leur âge. La reconstitution est ponctuée de nombreux gags qui se veulent désopilants : on a vu cette année se trémousser devant les tribunes du public Britney Pears et ses compagnes, surgir un faux Chabal plus homme des cavernes que l'original, des Dalton sans Lucky Luke, Zinédine Zidane cherchant son ballon et même un deuxième faux Napoléon que deux infirmiers sont venus chercher pour le ramener dans son asile psychiatrique...

Ce qui reste étonnant pour un profane breton comme d'ailleurs pour tous les étrangers qui observent la France et les Français, c'est l'extraordinaire vénération que les "élites" françaises, et pas seulement l'institution militaire, continuent à porter à Napoléon Bonaparte. Sa statue équestre occupe une place centrale dans le camp de Coëtquidan. Le Musée du Souvenir présente un buste de lui, un grand tableau le représentant au passage des Alpes et, dans des vitrines, quelques reliques de lui.

Le camp de Coëtquidan se situe sur la commune de Guer (Morbihan) et on y trouve l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, la plus ancienne, que l'on désigne sous le simple nom de "Saint-Cyr", l'École militaire interarmes (EMIA) et l'École militaire du corps technique et adminstratif (EMCTA). Ce camp constitue au cœur de la Bretagne un monde vraiment à part, mais qui cherche pourtant à s'ouvrir davantage sur la société et qui n'a sans doute plus grand chose à voir, au delà d'un certain folklore, avec ce qu'il pouvait être il y a 50 ans, lorsqu'il y avait encore un empire colonial et que la France conservait certaines des apparences d'une grande puissance. Le temps où les officiers formaient une caste pleine de morgue aux convictions très mollement républicaines, semble bien révolu. Ce qui frappe dans les propos des officiers supérieurs que l'on peut rencontrer à Coëtquidan, c'est leur pragmatisme et aussi leur vision européenne, très en avance sur l'opinion publique. Il faut dire qu'ils ont vu fondre les effectifs et les budgets comme neige au soleil. Le service militaire a été aboli en 2001 et cette armée qui comptait cinq millions d'hommes, encadrés per 120 000 officiers, en 1939/1940, n'en compte plus aujourd'hui que 348 000, et encore, en incluant les 104 000 gendarmes, qui ont bien un statut militaire, mais dont la mission rejoint largement celle de la police. De nombreux régiments ont été dissous. Dans toutes les villes importantes de Bretagne où stationnaient depuis fort longtemps des garnisons, on a vu l'armée abandonner nombre de ses casernes, vite livrées aux démolisseurs ou reconverties en logements ou, comme à Guingamp, en bâtiments universitaires.

Même s'il reste avec celui de la Grande-Bretagne un des plus élevés de l'Union Européenne, le budget militaire de la France n'est plus que de 48 Mds d'euros, soit 2% du PIB du pays. Chacun a bien conscience que le développement de moyens importants, comme la construction de nouveaux porte-avions ou le développement de nouveaux avions, ne pourra se faire que dans un cadre européen. Armée de métier, l'armée sera de moins en moins française et de plus en plus européenne et ses missions futures n'auront plus grand chose à voir avec les guerres du passé et seront sans doute surtout des missions d'interposition entre belligérants dans des conflits locaux comme aujourd'hui au Kossovo, au Liban, en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan, et des missions à caractère humanitaire, pace qu'elle est sans doute la seule capable de "projeter" dans des délais très courts des hommes, du matériel et des vivres dans des régions du monde touchées par de grandes catastrophes.

On comprend bien dans de telles perspectives que les jeunes gens (parmi lesquels les filles sont d'ailleurs aujourd'hui en nombre appréciable) traitent aujourd'hui le souvenir de la bataille d'Austerlitz avec un certain humour décalé et ne partagent sans doute plus complètement l'admiration sans bornes de leurs aînés pour "l'empereur des Français"...

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Bernard Le Nail est un écrivain fondateur de la maison d'édition LES PORTES DU LARGE. Contributeur ABP
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